ESPRIT PSY

Peut-on s’autoriser à s’éloigner d’un ou des parents sans être un ''monstre''?

Il m’apparaît que l’une des questions les plus complexes et les plus douloureuses que se posent certains patients est la suivante :
« Ai-je le droit de prendre mes distances avec mon parent sans être une mauvaise personne? ».
 
Cette interrogation est souvent remplie de culpabilité, comme si remettre en question le lien filial était une transgression absolue, un interdit moral… Et c’est là que les victimes d’abus, qu’elle que soit la nature de l’abus, activent à plein leurs modes défensifs adaptatifs à la toxicité parentale et en arrivent à perdre de vue les dits abus subis…
Et pourtant, à l’âge adulte, dans bien des configurations familiales, le lien avec un parent peut être une source de souffrance permanente, un fardeau qui pèse sur l’équilibre psychique bien plus qu’il ne nourrit…
 
Je me suis aperçu au cours des années que ce dilemme est particulièrement fort chez des personnes qui ont grandi sous l’influence d’un parent fusionnel, hyper-exigeant, intrusif ou manipulateur, qui par exemple ont fait de l’amour un échange conditionnel: « Je t’aime si tu fais ce que j’attends de toi ».
 
Dès l’enfance, ces personnes ont intégré que l’amour filial n’était pas un espace de liberté, mais un devoir, une sorte de dette à rembourser. Et en grandissant elles se retrouvent alors prises dans un paradoxe: rester proches du parent signifie subir des dynamiques toxiques mais s’en éloigner signifie porter le poids insoutenable de la culpabilité.
 
Un guide peut alors apparaître : dans les relations où l’amour filial devient un poids, où l’enfant adulte ne peut jamais être totalement lui-même sans risquer d’être culpabilisé, jugé ou rejeté, il est nécessaire de se poser une question au-delà de toute dépendance affective : « Ce lien me nourrit-il ou me détruit-il ? »
 
Beaucoup de personnes paraissent hésiter à légitimement prendre de la distance avec un parent toxique par peur d’être perçues comme ingrates ou égoïstes.
J’ai constaté que cette culpabilité est souvent renforcée par la société elle-même qui valorise l’idée de « l’amour inconditionnel » entre un parent et son enfant.
 
Pourtant, l’amour véritable ne se mesure pas à la quantité de souffrance que l’on est prêt à endurer pour maintenir un lien!
 
Il paraît souhaitable d’initier un processus pour trouver la saine distance avec un parent toxique: celui de reprendre le pouvoir sur son propre rapport à l’amour filial.
 
S’éloigner d’un parent ne signifie pas forcément rompre tout contact. Il existe des nuances, des ajustements possibles. Prendre de la distance, poser des limites, apprendre à dire non, ce sont des étapes parfois nécessaires pour préserver son propre équilibre.
Mais dans certains cas, plutôt nombreux en définitive, lorsqu’un parent ne respecte pas les ajustements choisis par l’enfant-adulte et qu’il poursuit son œuvre toxique et dangereuse pour la santé mentale, alors la coupure peut être la seule issue.
 
S’il n’y a pas de réponse universelle à la question de l’éloignement familial, il me semble que l’essentiel est d’écouter ce que l’on ressent réellement, au-delà des injonctions sociales et des attentes implicites de ou des abuseurs.
 
 
 

 

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