ESPRIT PSY

Pourquoi tant de personnes minimisent-elles les abus?

Cette question on me la pose souvent et elle semble traduire une détresse vécue par de nombreuses victimes d’abus. J’avais déjà un peu abordé cette thématique il y a quelques semaines dans un autre article et je vous propose de continuer la réflexion en répondant plus précisément à la question.
 
Partons d’une situation tellement classique: une victime raconte son histoire et se heurte à des réactions déconcertantes de la part de son interlocuteur du jour, avec des phrases dont on avait déjà parlé ensemble sur ce blog: « ce n’était pas si grave », « il faut tourner la page »,  »pense au futur il faut aller de l’avant » ou encore « j’te rassure tout le monde a des problèmes »…
 
J’ai tendance à dire qu’on touche là le degré d’empathie de la limace, et encore…
Mais restons du côté Esprit Psy et tentons de mieux comprendre pourquoi ces phrases peuvent être dites, sans les excuser pour autant car elles restent violentes et/ou culpabilisantes et/ou abandonniques.
Je dirais que derrière ces phrases se cache un mécanisme de défense psychique bien huilé. Car oui, reconnaître l’existence d’un abus oblige à voir une réalité inconfortable, celle où des proches, des institutions, voire soi-même, ont pu fermer les yeux ou laisser faire l’abus…
C’est d’un coup une brèche dans la vision rassurante du monde que tout un chacun se raconte, et certains préfèrent la colmater par le déni. Je rappelle au passage que le déni est le premier mécanisme de défense psychique que l’enfant active, c’est donc un vieux compagnon de route… Alors face au déni il n’y a plus de discussion possible puisque l’abus est purement et simplement nié par l’autre.
 
Si le déni n’est pas utilisé, pour d’autres personnes, minimiser, c’est souvent une manière alternative pour se protéger de la culpabilité ou de la peur d’un effondrement intérieur. Mais précisons ici que la minimisation peut aussi venir d’un vécu plus personnel: certaines personnes ont elles-mêmes subi des abus sans jamais pouvoir les nommer, et admettre la gravité de ce que vit une autre victime reviendrait à questionner leur propre histoire.
Effet miroir insoutenable donc…
 
D’autres personnes encore, baignées à l’enfance dans des schémas familiaux où la souffrance est normalisée, peuvent percevoir les abus comme des épreuves « inhérentes à la vie » et non comme des violences à dénoncer. Elles sont comme formatées à banaliser l’abus j’ai envie de dire…
 
Il y a aussi toutes celles et ceux qui sont simplement mal à l’aise avec l’émotion brute de la souffrance et préfèrent la balayer d’une phrase, comme pour ne pas y goûter, comme si la vérité était trop lourde à porter, comme si elles ne pouvaient pas donner une épaule pour porter un peu le fardeau de l’autre quelques instants.
 
Bien évidemment, pour la victime, ces réactions sont une violence supplémentaire car non seulement elle a souffert, mais elle doit aussi souvent affronter l’invalidation de son vécu. C’est une double peine qui souvent enferme encore plus dans le silence, malheureusement.
 
Pourtant, disons le ici sans volonté de culpabilisation, face à ces discours il reste possible de poser ses limites, en toute légitimité:
– « je ne cherche pas à dramatiser, je veux juste être entendu(e)… »
– « si tu ne peux pas comprendre, respecte au moins mon ressenti! »
 
Ce ne sont que des exemples mais l’idée est que sortir de l’isolement et s’entourer de personnes capables d’écouter sans juger devient une nécessité pour ne pas se laisser enfermer dans cette négation insidieuse trop répandue.
 
Vous méritez d’être écouté(e) et entendu(e), votre parole compte.
 

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