ESPRIT PSY

Du piège de la relation médicale pour les victimes d'abus

Article rédigé par Antonella Corsi (Communauté Esprit Psy)
 
Les personnes ayant connu ou devant suivre un parcours médical au long cours peuvent être confrontées à un sentiment d’inconfort (voire même de détresse) au sein de leur relation avec leur soignant.
La maladie et la douleur créent en nous une posture de faiblesse face à celui «qui sait», celui «qui peut».
Cette attente vis-à-vis de l’autre peut être particulièrement difficile pour une personne victime d’abus. Comment ne pas glisser dans la position de l’enfant fragilisé qui attend que le parent sauveur prenne en charge sa souffrance?
 
Ces attentes, plus ou moins conscientes, créent un profond malaise, qui verra chaque erreur relationnelle du professionnel comme un abus réitéré, un abandon cruel.
Le manque de disponibilité, de temps d’écoute, d’empathie et de solutions est pourtant courant chez des professionnels de la santé débordés et épuisés (ou trop techniques et détachés de l’humain). Autant de petits accrocs à la toile de la relation patient/soignant qui peuvent vous porter préjudice dans votre parcours de soins en tant qu’ancienne victime d’abus.
 
La question qui se poserait naturellement si vous étiez confronté à ce sentiment d’impuissance et d’abus est de savoir comment inverser la tendance pour reprendre prise sur votre parcours médical. Un des meilleurs conseils qui m’a été donné pour faire face aux années de maladie a été de me placer en position de cheffe d’orchestre de mes soins. Coordonner les différents acteurs, faire des comptes rendus écrits des rendez-vous, poser des questions réfléchies à l’avance et prendre des notes, planifier un programme de soins : autant de petites astuces qui changent la dynamique.
 
D’un patient silencieux en attente, j’ai proposé aux médecins de voir un adulte conscient et aux commandes, en recherche de «prestations» plus que de «protection».
 
J’ai été étonnée de constater à quel point travailler à l’équilibre de la relation rendait le parcours de soins bien plus efficace, et bien plus sain et sécurisant pour une ancienne victime d’abus.
 
Cependant, afin de ne pas sous-entendre que l’entière responsabilité de l’équilibre de la relation soignant/patient repose sur le malade, il me paraît intéressant de proposer une réflexion supplémentaire aux personnes qui sont du côté de la blouse blanche. J’ai pu constater que de très bons médecins restent souvent dans une position sur le fil, assez inconsciemment. Combien ai-je vu de patients en centre de rééducation complètement passifs et amorphes, encouragés dans leur soumission à l’institution par des médecins nourris par ce rôle de «sauveur-sachant» ! Je comprends le côté flatteur et confortable d’une telle position de supériorité intériorisée. À l’heure de l’éducation à la santé du patient, de l’émergence des emplois de patients experts au sein des institutions, et de la loi 2002-2 qui a replacé le patient au centre de sa prise en charge, il me semble essentiel de proposer au corps médical cette vigilance mentale quant à l’équilibre de la relation.
 
Encore une fois, être accompagné pour réfléchir à ces questions est une très bonne chose si vous vous sentez concerné par cet article.
 
Prenez soin de vous et des autres.
 
Antonella Corsi
 

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