ESPRIT PSY

Paranoïa... Ha bon??

Dans le langage courant, le terme « paranoïa » est souvent utilisé de manière approximative, comme s’il s’agissait simplement d’un excès de méfiance ou d’un trait de personnalité exacerbé.
Pourtant rappelons-nous que derrière ce mot se cache parfois une immense souffrance psychologique et que lorsqu’il s’inscrit dans un cadre psychopathologique, notamment dans sa forme décompensée, il peut conduire à une altération majeure du lien à l’autre.
 
En écoutant les récits de nombreuses personnes ayant vécu des abus j’ai souvent constaté qu’elles pouvaient spontanément employer ce terme  »paranoïa » pour qualifier leur méfiance intense vis-à-vis des autres.
 
Mais à bien les entendre, il m’apparaît que ce qu’elles désignent par « paranoïa » relève bien plus souvent d’une hypervigilance liée à des expériences traumatiques que d’un véritable délire paranoïaque structuré.
Il ne s’agit donc pas, dans la majorité des cas, d’une psychose paranoïaque au sens psychiatrique du terme, mais bien plutôt d’un mécanisme de protection souvent envahissant et qui altère il me semble la perception du monde et des intentions d’autrui.
 
Alors sans entrer dans une exploration clinique approfondie, je vous propose ici de nous arrêter quelques lignes sur cette expérience que beaucoup de mes patients traversent: cette « sensation » que tout devient suspect, que le silence d’un proche dissimule un reproche, qu’un regard contient une intention cachée, que le monde est finalement rempli de messages à décoder…
 
Ce type de pensée se construit souvent sur un socle de blessures profondes et d’expériences passées où la confiance a été brisée (bien souvent en lien avec des figures parentales défaillantes). Pour simplifier je dirais que l’esprit cherche à éviter de revivre la douleur d’une désillusion et « préfère » (mécanisme de défense) alors se tenir en alerte permanente pour scruter le moindre signe de menace.
 
Mais cette vigilance, à force d’être constante, ne protège plus: elle enferme.
Car à voir des pièges partout la personne se retrouve très souvent seule, fatiguée par une forte charge mentale, enfermée dans un monde où elle se sent à la fois persécutée et incomprise.
C’est bien entendu une autre conséquence injuste subie par la personne qui a déjà vécu un (des) traumatisme(s).
J’ai souvent observé que cette méfiance exacerbée s’articule finalement autour d’un besoin profond de contrôle, comme si anticiper le pire pouvait éviter une nouvelle blessure (je ne développerai pas ici les aspects neurobiologiques mais il y a beaucoup à creuser du côté du cortex préfrontal et de l’amygdale cérébrale en lien avec les conséquences neurobiologiques des traumatismes).
 
Sur le chemin thérapeutique, il s’agit de permettre aux personnes aux prises avec cette hypervigilance de concevoir que l’apaisement ne réside pas dans la certitude d’avoir raison sur le danger, mais bien plus dans la possibilité même de questionner cette peur!
 
Par exemple il est souhaitable de permettre à ces personnes de se demander: « et si je vérifiais? » ou « et si je me laissais une marge d’erreur? »…
 
Y parvenir c’est comme un peu fissurer la prison intérieure et arriver à générer une sorte de potentiomètre qui fait varier l’hypervigilance (elle n’est plus enclenchée au maximum H24…). Car après une enfance traumatique (abus émotionnels, violences physiques, abus sexuels, etc.), se donner la permission de douter un peu de sa propre crainte consécutive et quotidienne, c’est ouvrir finalement un peu la porte du bunker psychique dans lequel on a été projeté malgré soi.

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