ESPRIT PSY

"Avec le temps, tu finiras par oublier''... NON!!!

« Avec le temps, tu finiras par oublier »
 
Je vous propose de poursuivre un peu l’exploration du psycho-traumatisme.
Prenons pour point de départ l’injonction familiale ou sociétale à peine déguisée et inappropriée: « Avec le temps, tu finiras par oublier »…
 
« Non! » car quand il s’agit justement d’un traumatisme le temps n’a pas la même influence que pour les souvenirs non traumatiques.
Pour une personne ayant vécu un traumatisme, ce n’est justement pas une simple question de mémoire qui s’efface ou d’émotions qui s’atténuent naturellement avec le temps.
 
Le traumatisme s’ancre profondément, comme une sorte de trace brûlante dans l’inconscient et dans le corps et, chose que je trouve immensément cruelle pour la victime, il ne se dilue donc pas dans les jours qui passent.
Pour certaines victimes, quand il ne brûle pas directement, au mieux il couve, il hiberne quelques temps si je puis dire pour souvent d’un coup se réactiver par exemple à travers des sensations, des peurs inexpliquées, des cauchemars ou une hypervigilance permanente (comme si la menace n’avait jamais réellement disparu).
 
Gardons à l’esprit que ce qui caractérise le traumatisme, ce n’est pas tant le souvenir de l’événement que la façon dont il reste bloqué dans un présent perpétuel, échappant au processus naturel d’intégration (historisation) qui permet habituellement de reléguer les souvenirs difficiles au passé.
 
J’ai souvent entendu des patients me dire, à peu de choses près : « je sais que c’est fini, que c’est du passé ce qui m’est arrivé, mais une part de moi semble ne pas l’intégrer, elle prend le contrôle malgré moi et pousse mon corps à me lâcher ».
Cette phrase dit beaucoup. Ce qu’on appelle mémoire traumatique, c’est ce phénomène où l’événement, au lieu d’être inscrit comme un souvenir parmi d’autres, reste vécu dans l’instant, avec une charge émotionnelle intacte (la charge traumatique).
Ce n’est donc pas un simple souvenir douloureux, c’est un fragment du passé qui ressurgit avec la même intensité dramatique que s’il se déroulait ici et maintenant, déclenché par un bruit, une odeur, une situation qui ramène l’organisme à cet état d’urgence absolue (le corps devient hors contrôle).
 
Il n’y a plus de temporalité avec la mémoire traumatique et alors que certaines personnes pensent avoir « oublié » un contexte traumatique, parfois pendant des années, il se peut qu’un élément anodin fasse remonter des années plus tard une émotion brute, un malaise diffus, une sensation de peur sans cause apparente.
Ce n’était pas de l’oubli mais un mécanisme de survie: le cerveau, dans certaines situations extrêmes, protège la conscience en dissociant ce qui est trop violent à affronter sur le moment. C’est ainsi que certaines victimes de violences, d’abus ou d’accidents graves peuvent avoir des trous de mémoire sur l’événement lui-même tout en en portant les conséquences invisibles dans leur esprit, leur corps et leur rapport au monde.
On peut penser par exemple à une personne qui ne comprend pas pourquoi elle a toujours un sentiment d’insécurité dans certaines situations, pourquoi elle sursaute au moindre bruit ou pourquoi elle évite inconsciemment certains lieux ou certaines odeurs. Son histoire a laissé des empreintes, mais elle ne les reliera pas toujours à leur origine.
 
Vous l’avez compris, dans la plupart des cas, le temps seul ne suffit malheureusement pas à apaiser une blessure traumatique car il ne permet pas spontanément de transformer ce vécu brut en un souvenir appartenant au passé.
Ce qui peut aider, c’est un travail thérapeutique accompagné mais actif pour les anciennes victimes, souvent long et difficile.
S’il représente encore une injustice supplémentaire subie et un effort important de la part des anciennes victimes, ce travail thérapeutique permet souvent (mais pas forcément dans certains cas malheureusement) de retrouver un équilibre de vie en réadaptant le cerveau pour lui permettre d’intégrer ce qui a été vécu de manière à ce que cela ne hante plus le présent.
 

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