Techniques de manipulation psychosociale
Je vous propose d’aborder quelques-unes des techniques de manipulation bien connues qui viennent réduire considérablement la réalité du consentement « libre » dans nombre de situations où l’autorité d’une personne sur l’autre s’exprime. Il n’est pas simple en effet d’identifier pour un individu ce moment où il est pris au piège dans la nasse de la manipulation de l’autre, tandis qu’il pense son accord comme éclairé et librement consenti. Dans de nombreux cas, ce n’est pas parce que je vis ma soumission librement consentie que je ne suis pas moins soumis au pouvoir de persuasion manipulateur de l’autre. Le « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » est un ouvrage écrit par Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule. Publié pour la première fois en 1987, ce livre explore les techniques de manipulation psychosociale et comment elles peuvent être utilisées dans la vie quotidienne, souvent sans que nous en soyons conscients.
Vous trouverez ci-après un résumé des principales techniques de manipulation décrites dans l’ouvrage.
L’individu au travail & la soumission librement consentie
A la suite de l’article sur le concept de la soumission librement consentie, nous poursuivons ici notre analyse en s’intéressant plus particulièrement à la question du consentement au travail.
En plaçant en effet notre réflexion dans le cadre du travail, nous pouvons dire que la soumission librement consentie au travail relève de toute évidence d’une dynamique complexe, reflétant les interactions entre les employés, leurs collègues, et leurs supérieurs. Cette dynamique se manifeste lorsque les individus acceptent les directives, les tâches, ou les normes de l’organisation non pas par contrainte, mais parce qu’ils y voient un sens, une valeur, ou parce qu’ils adhèrent volontairement aux objectifs et à la culture de l’entreprise.
Dès lors cette forme de soumission soulève plusieurs enjeux importants pour les individus au travail, touchant à l’autonomie, à l’identité professionnelle, et à la satisfaction au travail.
L’autonomie
Un des enjeux m’apparaissant important de la soumission librement consentie au travail est la question de l’autonomie. Les employés cherchent souvent à maintenir un certain degré de contrôle sur leur travail, désirant que leurs tâches et responsabilités reflètent leurs compétences et leurs intérêts. La soumission librement consentie, dans ce contexte, peut être perçue comme une manière de préserver l’autonomie, dans la mesure où les choix et les engagements pris sont alignés avec les valeurs personnelles et professionnelles de l’individu. Cependant, cette dynamique peut devenir problématique si l’employé se sent poussé à consentir à des demandes qui vont à l’encontre de ses propres intérêts ou convictions, menaçant son sentiment d’autonomie et de contrôle.
Manipulation et abus dans la sexualité: le consentement éclairé en question
La sexualité, en tant que domaine intime et personnel, requiert un consentement éclairé et mutuel entre partenaires. Cependant, certaines situations peuvent faussement apparaître comme des cas de soumission « consentie » alors qu’en réalité, elles sont marquées par la manipulation ou une posture d’autorité abusive.
Afin d’explorer cette notion du consentement, je vous propose d’appuyer notre pensée sur les différents aspects qui m’apparaissent illustrer les dynamiques problématiques abusives:
Pression psychologique ou émotionnelle
Un partenaire peut exercer une pression psychologique ou émotionnelle sur l’autre pour obtenir un consentement sexuel, en utilisant des tactiques de manipulation telles que la culpabilisation, la honte, ou l’insistance sur des normes relationnelles ou sexuelles spécifiques. Dans de tels cas, même si un consentement verbal est donné, il peut ne pas être éclairé, ni librement consenti, car il est obtenu dans un contexte de contrainte émotionnelle. L’utilisation de la manipulation émotionnelle est clairement établie lorsque l’on cherche à faire culpabiliser son partenaire (« Si tu m’aimais vraiment, tu le ferais »), à créer un sentiment de dette émotionnelle, ou à jouer sur la peur de l’abandon pour obtenir un consentement sexuel. Ces tactiques sapent la liberté de choix de l’individu, le poussant à se soumettre pour éviter des conséquences émotionnelles négatives.
Couple: la question de la soumission librement consentie
Pour être librement consentie, la soumission repose sur une communication ouverte et honnête, où les deux partenaires expriment leurs désirs, leurs besoins, et leurs limites. Le consentement joue ici un rôle central, assurant que toute forme de soumission est basée sur une compréhension et un accord mutuel. Cela implique un processus de négociation réel où les deux parties discutent et s’accordent sur divers aspects de leur relation, qu’il s’agisse de décisions majeures comme celles concernant la sexualité, les finances, l’éducation des enfants, ou des choix de vie, ou de questions plus quotidiennes comme la répartition des tâches ménagères par exemple.
L’équilibre des pouvoirs est donc à questionner car une relation saine implique un équilibre où aucun partenaire n’exerce de pouvoir disproportionné sur l’autre. Lorsque la soumission est librement consentie, souvenons-nous qu’elle est le résultat d’un choix personnel, reflétant une dynamique de pouvoir équilibrée.
Dès lors, quand cette soumission devient unidirectionnelle ou reflète une dynamique de pouvoir inégal, où un partenaire consent régulièrement aux désirs de l’autre sans échange réciproque, alors la soumission consentie «librement» n’est-elle pas questionnable?
POURQUOI SOMMES-NOUS INFLUENÇABLES? – DÉCOUVRIR L’INFLUENCE SOCIALE
L’influence sociale, en psychologie sociale, se réfère aux diverses manières par lesquelles les individus affectent les pensées, les sentiments, et les comportements des autres, que ce soit de manière directe ou indirecte, intentionnelle ou non. Ce concept passionnant (je lui ai dédié aussi une vidéo d’introduction que vous pourrez trouver ici ) englobe un large éventail de phénomènes, allant de la simple imitation inconsciente jusqu’à la persuasion délibérée et l’obéissance à l’autorité. L’essence de l’influence sociale repose sur la notion que notre comportement est souvent modelé par les normes, les valeurs, les attitudes et les actions de ceux qui nous entourent. Que ce soit dans le cadre familial, dans les groupes d’amis, au travail, ou au sein de la société en général, il m’apparait que les individus sont constamment exposés à des forces sociales qui peuvent modifier leur manière de penser, de ressentir et d’agir. L’influence sociale reflète donc selon moi une composante fondamentale de la nature humaine, soulignant notre interdépendance et notre besoin d’appartenance. À travers des processus comme la conformité, la persuasion, et l’obéissance, l’influence sociale façonne non seulement nos choix personnels, mais aussi les normes et les dynamiques de groupe, jouant ainsi un rôle crucial dans le développement social et culturel des individus.
On va s’attarder d’abord un peu sur la conformité, la persuasion, et l’obéissance qui sont, vous l’avez saisi, les piliers fondamentaux de l’influence sociale, et qui offrent un cadre pour comprendre comment les individus (nous tous, vous et moi également donc…) adaptent leurs comportements, attitudes et croyances en réponse à la présence réelle ou imaginaire des autres. Solomon Asch (1951) a mis en évidence l’impact de la conformité dans ses expériences, montrant que les individus sont prêts à renier leur propre perception pour s’aligner sur les réponses incorrectes du groupe, illustrant la puissance de la pression sociale. « La plupart des individus ont une tendance à se conformer, à un certain degré, aux normes du groupe auquel ils appartiennent, ou même à un groupe auquel ils aspirent appartenir » dira l’auteur en 1951.
La persuasion, quant à elle, implique un changement d’attitude ou de comportement provoqué par une communication visant à influencer. Je vous renvoie aux travaux de Robert Cialdini de 1984 où il décrit les principes clés de la persuasion, tels que la réciprocité, la cohérence, la preuve sociale, l’autorité, la sympathie et
La soumission librement consentie: librement et consentie?
Le concept de la soumission librement consentie trouve ses racines dans le champ de la psychologie sociale, explorant la manière dont les individus peuvent accepter l’autorité ou se conformer aux normes sociales non pas sous la contrainte ou par obligation, mais de leur plein gré.
L’importance du concept de Soumission librement consentie réside, il me semble, dans sa capacité à expliquer pourquoi et comment les individus peuvent adhérer à des systèmes de croyances, des pratiques, ou des lois qui, de l’extérieur, pourraient sembler limiter leur liberté ou leur autonomie. Mais la limite entre persuasion et manipulation existe mais reste floue. Explorons ensemble les techniques de manipulation qui peuvent entrer en jeu dans le ressenti de consentement et soumission.
La notion de soumission volontaire est d’autant plus pertinente dans nos sociétés contemporaines, où la question de l’autorité se complexifie avec la montée en puissance des réseaux sociaux, des mouvements de masse, et de la globalisation. Dans ce contexte, comprendre pourquoi les gens choisissent de suivre certaines tendances, idéologies ou leaders peut vraiment aider à démêler les fils des dynamiques sociales actuelles. Considérons bien que les individus sont en effet constamment sollicités par diverses formes d’autorité, qu’elles soient politiques, médiatiques, scientifiques, ou culturelles.
LA SOUMISSION A L’AUTORITÉ – RÉFLEXIONS SUR LES CONCLUSIONS DE MILGRAM
J’apprécie beaucoup de revenir sur l’expérience de Milgram et sur les conclusions proposées par l’auteur. J’y trouve des sources de réflexion au-delà du champ de la psychologie sociale et l’opportunité d’une réflexion sociétale et historique où la philosophie peut prendre toute sa place. L’expérience de Stanley Milgram, conduite dans les années 1960, a en effet révélé les profondeurs troublantes de la soumission à l’autorité. Milgram a cherché à comprendre comment des individus ordinaires pouvaient commettre des actes inhumains sous l’ordre d’une autorité, un questionnement inspiré par les atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Les participants croyaient administrer des chocs électriques à une autre personne, augmentant l’intensité à chaque mauvaise réponse, sous la directive d’un expérimentateur directif. Le résultat a été stupéfiant : une grande majorité a continué jusqu’aux niveaux de choc les plus dangereux, malgré la détresse apparente de la victime (Milgram, S., 1963). Vous pourrez trouver plus de détails dans ma vidéo dédiée à cette expérience ici.
Comme beaucoup j’ai été choqué par de tels résultats et comme beaucoup aussi un questionnement est arrivé : « Et moi ? »
Oui, qu’aurais-je fait à la place des participants, aurais-je fais partie de la majorité de ceux qui se sont soumis à l’autorité au point de maltraiter d’autres individus ? Quelque chose est venue me répondre « non, assurément ». Je ne souhaite pas donner de leçon ici, ni me protéger d’un effondrement narcissique, je souhaite juste exprimer pourquoi à ce stade de ma vie il me parait possible de répondre « non, assurément » et pourquoi je reste convaincu que chacun de nous, avec une éducation appropriée, pourrait gagner en force face à un tel questionnement.
Réfléchissons ensemble.
La soumission à l’autorité a marqué l’histoire humaine de moments sombres, où la coercition et la propagande ont mené à des atrocités collectives. Le régime nazi, par exemple, a utilisé la propagande et une autorité implacable pour orchestrer l’Holocauste, révélant la capacit