Parlons du triangle de Karpman dans sa dynamique

Le triangle de Karpman, ce n’est pas juste un concept théorique pour étudiants en psycho, il peut être vite mis en pratique par tout un chacun, d’ailleurs je le propose assez souvent en consultation comme support à la pensée dans de nombreuses configurations de relations toxiques. Car c’est un outil redoutablement éclairant pour comprendre, en première approche et en dehors d’une analyse transférentielle plus subtile, ce qui se joue « en douce » si je puis dire dans nos relations! Que ce soit avec un ami qui se plaint sans fin, un proche qu’on veut aider à tout prix, un collègue qui nous fait passer pour le méchant ou même un partenaire avec qui on rejoue toujours les mêmes scènes…
Donc aujourd’hui je vous propose de partir d’un exemple concret pour saisir le mécanisme du triangle et la dynamique des rôles associés, l’objectif étant qu’une fois cette dynamique conscientisée vous puissiez en sortir si cela vous donne envie .
Imaginez cette scène: Alice et Sophie sont amies depuis longtemps et ce soir, autour d’un café, Sophie se confie, épuisée par sa relation avec son conjoint.
– J’en peux plus… Il ne m’écoute jamais, il prend toutes les décisions tout seul. J’ai l’impression d’être transparente et même parfois écrasée.
Pourquoi tant de personnes minimisent-elles les abus?

Cette question on me la pose souvent et elle semble traduire une détresse vécue par de nombreuses victimes d’abus. J’avais déjà un peu abordé cette thématique il y a quelques semaines et je vous propose de continuer la réflexion en répondant rapidement ce matin à la question. Partons d’une situation tellement classique: une victime raconte son histoire et se heurte à des réactions déconcertantes de la part de son interlocuteur du jour, avec des phrases dont on avait déjà parlé ensemble sur ce blog: « ce n’était pas si grave », « il faut tourner la page », »pense au futur il faut aller de l’avant » ou encore « j’te rassure tout le monde a des problèmes »…
J’ai tendance à dire qu’on touche là le degré d’empathie de la limace, et encore…
Mais restons du côté Esprit Psy et tentons de mieux comprendre pourquoi ces phrases peuvent être dites, sans les excuser pour autant car elles restent violentes et/ou culpabilisantes et/ou abandonniques.
Du piège de la relation médicale pour les victimes d’abus

Les personnes ayant connu ou devant suivre un parcours médical au long cours peuvent être confrontées à un sentiment d’inconfort (voire même de détresse) au sein de leur relation avec leur soignant.
La maladie et la douleur créent en nous une posture de faiblesse face à celui «qui sait», celui «qui peut». Cette attente vis-à-vis de l’autre peut être particulièrement difficile pour une personne victime d’abus.Comment ne pas glisser dans la position de l’enfant fragilisé qui attend que le parent sauveur prenne en charge sa souffrance?
Ces attentes, plus ou moins conscientes, créent un profond malaise, qui verra chaque erreur relationnelle du professionnel comme un abus réitéré, un abandon cruel.Le manque de disponibilité, de temps d’écoute, d’empathie et de solutions est pourtant courant chez des professionnels de la santé débordés et épuisés (ou trop techniques et détachés de l’humain).Autant de petits accrocs à la toile de la relation patient/soignant qui peuvent vous porter préjudice dans votre parcours de soins en tant qu’ancienne victime d’abus.
La question qui se poserait naturellement si vous étiez confronté à ce sentiment d’impuissance et d’abus est de savoir comment inverser la tendance pour reprendre prise sur votre parcours médical.Un des meilleurs conseils qui m’a été donné pour faire face aux années de maladie a été de me placer en position de cheffe d’orchestre de mes soins.Coordonner les différents acteurs, faire des comptes rendus écrits des rendez-vous, poser des questions réfléchies à l’avance et prendre des notes, planifier un programme de soins : autant de petites astuces qui changent la dynamique.
D’un patient silencieux en attente, j’ai proposé aux médecins de voir un adulte conscient et aux commandes, en recherche de « prestations » plus que de « protection »
Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Vraiment ?

On aime bien cette phrase dans notre société, comme si la douleur était un professeur exigeant qui forge notre caractère…
Stop! C’est violent en fait ce qui se raconte en ce sens!
Car en réalité, tout ce qui ne nous tue pas peut aussi nous laisser brisés, fatigués, méfiants, etc. Survivre à une épreuve ne signifie pas en ressortir grandi, et parfois malheureusement on en sort juste plus abîmé.
Cette vision simpliste que je critique glorifie la souffrance comme un passage obligé vers la puissance, mais ce n’est pas la douleur qui nous renforce, c’est ce qu’on en fait. Et encore faut-il en avoir les ressources!
Pire encore, cette phrase culpabilise celles et ceux qui souffrent durablement, comme si porter des cicatrices invisibles était un échec!!!
Quel manque d’empathie général! Non?
La plupart des traumatismes ne « forment » pas, désolé pour ceux qui s’accrochent à cette merveilleuse idée, non les traumatismes laissent des fissures profondes et
Influencer notre cerveau, progressivement, c’est possible!

Aujourd’hui je vous propose un petit programme pour booster votre impact neurochimique!
Alors bien entendu il ne s’agit pas de contrer les tsunamis émotionnels ressentis par certains ou certaines selon les moments, mais plutôt de créer une gymnastique vertueuse dans les moments plus calmes où le conscient peut agir avec plus de puissance.
Je m’explique: en prenant prise progressivement sur la production de certaines substances en soi, nous pouvons améliorer notre ressenti et parfois de manière très sensible.
Alors voilà, il me semble que dès que l’on saisit que notre bien-être n’est pas seulement une question d’état d’esprit ou de circonstances extérieures, qu’il repose aussi sur un équilibre biochimique subtil orchestré par notre cerveau, hé bien un levier d’action peut se profiler à l’horizon!
Je précise pour ceux qui le découvrent que nos émotions, notre motivation et notre résilience face au stress sont directement influencées par un ensemble de neurotransmetteurs qui modulent nos sensations de plaisir, de satisfaction et d’apaisement. Parmi eux la DOPAMINE, souvent qualifiée de « molécule de la motivation », joue un rôle clé dans le plaisir et la récompense, héhé. Donc chaque fois que nous atteignons un objectif, aussi minime soit-il, notre cerveau libère une dose de dopamine ce qui nous incite alors à reproduire le comportement qui a conduit à cette satisfaction! C’est pourquoi j’invite tout le temps mes patients à célébrer les petites victoires dès que possible, chaque jour, qu’il s’agisse par exemple de cocher une tâche sur une liste, de partager avec un être cher un effort réalisé, de s’octroyer une récompense (bain, soin, petit plat, câlin, ou autre!) en lien avec un petit objectif atteint, etc.
Parlons maintenant de la SÉROTONINE qui est en autre impliquée dans la régulation de l’humeur et du sentiment de satisfaction. L’exposition à la lumière naturelle augmente les niveaux de sérotonine, expliquant ainsi pourquoi un simple bain de soleil peut améliorer notre moral. Pratiquer l’exercice de noter 3 choses par soir positives de notre journée, des choses où l’on est content de soi, constitue également un excellent moyen d’amplifier cette production. Il y a aussi par exemple l’automassage (nuque, épaule tempe,…).
Ensuite, il y a l’OCYTOCINE, surnommée souvent l’ »hormone du lien social », qui joue un rôle dans l’attachement et l’apaisement. Libérée lors des câlins, des interactions bienveillantes ou même d’un simple contact physique sécurisé (y compris avec son animal de compagnie) elle crée une sensation de confiance et de sécurité. Et bien entendu elle contribue à faire baisser le stress!
Enfin, les ENDORPHINES, véritables antidouleurs naturels, sont identifiées pour leur effet euphorisant et relaxant! Super effet! Elles sont principalement stimulées par l’activité physique, le rire et même la consommation de chocolat noir (pas trop non plus ) grâce à la présence de composés favorisant leur libération… Trois petites choses que je conseille et qui fonctionnent pour forcer la production d’endorphines: se forcer à rire, c’est peut-être bizarre a priori, mais si l’on fait cet exercice, on en arrive presque à rire du fait que ça a l’air stupide… Du coup, même avec un peu de rire sur soi-même pendant cet exercice il va s’opérer une libération des endorphines…
Se sentir mal d’aller bien…

Aujourd’hui je réponds à une question qui m’est régulièrement posée sous une forme proche de celle-ci: »pourquoi je me sens coupable ou mal quand ça va un peu mieux pour moi? »…
Cette question ouvre plusieurs pistes d’exploration et je vais vous en proposer certaines.
En première approche je dirais que ce sentiment de culpabilité ne surgit pas par hasard, qu’il est bien souvent le produit d’une construction psychologique (issue d’un contexte familial et social) qui façonne notre rapport à la souffrance et au bien-être. La culpabilité peut être généralement associée à des conflits internes et des loyautés inconscientes qui remontent à l’enfance. On parle du surmoi en psychanalyse, rappelons que c’est une instance psychique qui enregistre les interdits et les normes transmises par l’environnement familial et sociétal. Or chez certaines personnes ce surmoi peut devenir particulièrement rigide ce qui peut générer une sensation de »faute imaginaire » dès lors qu’elles accèdent à un état de bien-être. Prenons l’exemple d’un enfant qui a grandi dans une famille marquée par la souffrance, la maladie ou la précarité par exemple, une thérapie analytique peut mettre en lumière que cet individu aura assimilé l’idée que la douleur est un mode de vie légitime, voire une preuve de loyauté envers sa famille… Et que donc adulte, il peut se heurter à un conflit intérieur: »si je vais bien, est-ce que je trahis mes parents qui ont tant souffert? »… Cette culpabilité agirait alors comme une dette invisible où le bien-être semble devoir être payé d’un prix, comme si le bonheur était finalement un luxe auquel on ne peut prétendre sans en subir les conséquences! Merci la famille…
Maintenant au-delà de l’individu, certaines familles et environnements sociaux peuvent véhiculer un message implicite selon lequel »s’en sortir », c’est rompre un pacte tacite de solidarité dans la souffrance. Régulièrement en travail thérapeutique je peux observer que si dans une fratrie l’un des membres reste dans la difficulté, la personne en analyse qui parvient peu à peu à s’épanouir pourra parallèlement éprouver un profond malaise: »pourquoi moi et pas mon frère ou ma sœur? »… Et il m’apparaît que ce type de culpabilité reste particulièrement marqué dans les familles où la résilience individuelle est perçue comme une forme d’égoïsme ou de trahison envers le collectif ( »tu n’as pas le droit d’aller mieux que nous » reste le message implicite).
Le biais de négativité

Je vous propose de parler précisément de l’un des biais cognitifs les plus puissants et qui nous enferme trop souvent dans une perception tronquée de la réalité: le biais de négativité. C’est ce biais qui nous pousse à accorder bien plus de poids aux expériences désagréables qu’aux moments agréables ce qui influence notre attention, notre mémoire et nos réactions émotionnelles!
Parmi les nombreuses études démontrant ce biais, je vous en propose ici deux dont les résultats peuvent nous interpeller:
Gottman et Levenson (1992) ont analysé les interactions conjugales et établi que pour maintenir une relation stable un couple devait avoir au moins 5 interactions positives pour compenser une interaction négative (ce qui est souvent interprété comme un ratio de 5:1).
Fessler et al. (2004) ont étudié la réactivité émotionnelle et suggèrent que la réponse cérébrale aux événements négatifs peut être trois à cinq fois plus forte qu’aux événements positifs…
Donc on comprend mieux pourquoi une critique nous affecte plus qu’un compliment, pourquoi un échec reste imprimé dans notre mémoire plus profondément qu’une réussite et pourquoi une journée entière peut nous sembler gâchée à cause d’un unique événement frustrant!
Je le rappelle, cette tendance a une explication évolutive: pour nos ancêtres lointains, mieux valait se souvenir du danger que d’un coucher de soleil!
Mais aujourd’hui cette »hypervigilance au négatif » peut nous desservir plus qu’elle ne nous protège, nous laissant souvent avec une impression de malaise persistant et une vision biaisée de notre environnement immédiat, un peu comme si nous étions sous le coup d’une menace floue.
Mais heureusement si je puis dire, nous pouvons renverser dans une certaine mesure cette tendance en entraînant notre cerveau à percevoir davantage le positif. C’est Martin Seligman (2005), l’un des pionniers de la psychologie positive, qui a démontré qu’un exercice simple pouvait déjà suffire à modifier (parfois en profondeur) notre perception du quotidien. Un exercice efficace que je propose souvent en consultation consiste à noter chaque soir trois éléments positifs de la journée. Il ne s’agit pas forcément de grandes victoires ou de succès retentissants mais de détails parfois anodins comme un échange agréable, une blague qui nous a fait sourire, une musique qui nous a procuré du plaisir, une sensation agréable en buvant un café ou un thé chaud, etc. C’est en répétant cet exercice pendant plusieurs semaines (j’insiste, plusieurs semaines, donc après l’avoir intégré dans une routine…), que notre cerveau commencera à détecter naturellement plus de positif comme s’il recalibrait peu à peu son filtre de perception.
Etre gentil ou gentille ne protège pas contre l’abus

On grandit souvent avec l’idée que la gentillesse est une protection, qu’en étant une personne bienveillante, patiente et compréhensive, on finira par être traité(e) de la même manière.
On nous répète que l’amour adoucit les cœurs, que la tolérance désamorce les conflits et que si l’on fait preuve de suffisamment de bonté l’autre finira par changer…
Ha oui, et j’oubliais: il faut pardonner, évidemment.
Mais toutes ces croyances forment un piège.
Car la gentillesse ne protège pas des manipulateurs, elle les alimente !
Elle ne désarme pas les abuseurs, elle leur donne une arme supplémentaire.
Un manipulateur ne voit pas la douceur comme une vertu mais comme une faille exploitable!
Un pervers ne ressent aucune culpabilité face à la bienveillance, il l’écrase avec jouissance !!!
Un abuseur ne se demande pas s’il va trop loin, il testera juste jusqu’où il peut aller, peu importe le coût pour vous…
Pourquoi certaines blessures restent vives? (quand le passé ne passe pas…)

Donc pour point de départ, partons de ce qu’il m’arrive assez souvent quand des patients (anciennes victimes d’abus notamment) me regardent avec une vive douleur en me disant: « je pensais que j’avais tourné la page… mais il a suffit d’un mot (d’une odeur, d’un visage, d’un cauchemar, etc.) pour que tout revienne comme si c’était hier! »
C’est un peu comme une sensation d’être brutalement ramené(e) dans un passé douloureux comme si aucune distance ne s’était finalement créée. Aujourd’hui je vous propose de poser quelques mots pour comprendre ce phénomène qui semble »figer » certaines blessures dans le temps. En fait la réponse se trouve au cœur même du fonctionnement de notre cerveau, entre mémoire émotionnelle, circuits neuronaux et construction psychique. Il faut savoir que lorsqu’un événement marquant survient, notre cerveau ne l’enregistre pas comme un simple souvenir parmi d’autres: il mobilise un réseau complexe qui implique l’amygdale (structure clé de notre cerveau limbique qui agit comme une alarme émotionnelle) et l’hippocampe (on peut dire en caricaturant qui sert d’archiviste et de cartographe temporel). En situation de danger ou de stress intense l’amygdale prend le dessus et encode l’événement avec une charge émotionnelle brute tandis que l’hippocampe, souvent perturbé par le stress, peine à lui donner un contexte clair et linéaire. Résultat malheureux: ces souvenirs traumatiques restent stockés sous une forme sensorielle et émotionnelle intense souvent déconnectée du fil du temps. D’où cette impression que la douleur peut ressurgir avec la même intensité comme si elle venait tout juste de se produire.
Certaines personnes redoutent d’être seules avec elles-mêmes

Je vous propose de réfléchir à ce thème suite à un échange avec un collègue sur le sens de la musique de fond présente dans de nombreuses salles d’attente…
Donc il ne s’agit pas de parler d’une solitude absolue où plus aucun lien avec l’extérieur n’existe, mais plutôt de ces moments où l’on se retrouve seul(e) avec soi-même. Pour les décrire et fixer un peu plus les idées, je dirais par exemple les moments de silence, d’absence de distraction, de célibat temporaire, de temps où rien ni personne ne vient remplir l’espace… Pour de nombreuses personnes ces moments-là peuvent être redoutés, voire soigneusement évités. Ainsi par exemple certaines personnes ne supportent pas le silence, non pas qu’il est vide, mais parce qu’il amplifie tout ce qui le traverse! Dès que le bruit s’éteint pour ces personnes, il semble que les pensées/ruminations prennent le relais: doutes, regrets, inquiétudes, souvenirs qui remontent sans prévenir. Aïe. Être seul(e) avec soi serait alors vécu comme se retrouver face à un mental qui n’a plus d’échappatoire, et donc si l’on a pris l’habitude d’éviter certaines pensées ou certaines émotions en s’occupant sans cesse on comprend bien pourquoi ces moments de silence deviennent inconfortables…