ESPRIT PSY

TRUMP ET LA PATHOLOGIE NARCISSIQUE: QUAND LE POLITIQUE DEVIENT UNE SCÈNE DE TRAUMA...

Je ne vais pas parler ici des aspects politiques.
Je propose de construire notre angle de réflexion sur le fait que simplement évoquer Donald Trump dans un cadre psychologique n’est pas anodin pour de nombreuses personnes. C’est même, dans plus de cas qu’on ne le pense, presque douloureux ou, pour d’autres, insupportable…
Je précise ici que au-delà du personnage public, polarisant et tonitruant, il se dessine une figure bien connue ou trop connue malheureusement, de celles et ceux qui ont côtoyé de près un parent, un conjoint ou un supérieur hiérarchique pathologiquement narcissique. Je ne mentionne pas ici un simple travers de caractère ou un ego surdimensionné mais plutôt un fonctionnement psychique structuré autour du besoin vital de dominer, de briller et de détruire toute forme d’altérité perçue comme menaçante!
La personnalité narcissique pathologique ne se confond pas, il me semble, avec une haute estime de soi ou une ambition affirmée, elle va plutôt s’installer sur un socle plus large qu’on peut qualifier de fragile et rigide à la fois: je dirais un vide interne abyssal camouflé par une image grandiose de soi, une image d’ailleurs entretenue au prix de comportements destructeurs!
Ce type de personnalité peut être difficile à cerner à première vue car souvent il charme autant qu’il écrase.
 
Chez Trump, plusieurs traits caractéristiques sautent aux yeux d’un clinicien, prenons le temps de les lister:
un besoin compulsif d’admiration, il ne s’agit pas de reconnaissance normale, mais si je puis dire d’un  »carburant » nécessaire pour exister. Sans projecteur, il s’effondre ou devient furieux!
une intolérance extrême à la critique, même les remarques factuelles sont perçues comme des attaques personnelles, et il va les retourner aussitôt en attaques contre ses détracteurs…
un clivage rigide entre les « bons » et les « méchants », les personnes sont idéalisées ou dévalorisées, sans nuance… Et ce clivage peut changer du jour au lendemain si l’autre cesse de servir son image!
une absence totale d’introspection ou de remise en question, c’est à dire jamais une erreur, jamais un doute… L’erreur est toujours celle de l’autre! 🤓
un recours permanent au mensonge, à la distorsion des faits et/ou à la stratégie d’inversion accusatoire: pour reprendre un terme clinique, je dirais que nous sommes face à une « perversion narcissique » des faits c’est à dire où la réalité n’est qu’un outil malléable au service du moi…
une instrumentalisation permanente de l’autre, l’autre est un moyen, un outil, un miroir, jamais un sujet… Et il n’existe finalement que s’il confirme l’image que le narcissique veut projeter!
 
Ces éléments, lorsqu’ils s’articulent dans une cohérence de fonctionnement, forment un tableau clinique sans appel, il me semble, celui d’un narcissisme pathologique avec des traits possiblement pervers!
Et pour les victimes, ce tableau n’est pas une théorie abstraite, mais un traumatisme vécu dans la chair et la mémoire…
Pour celles et ceux qui ont grandi dans une famille avec un parent narcissique pathologique, ou partagé leur vie avec un partenaire fonctionnant de la sorte, la simple exposition à un discours ou à une figure publique comme Trump peut suffire à raviver des blessures profondes.
Trump peut donc agir, pour les victimes d’abus narcissique, comme un déclencheur traumatique! En séance je peux entendre des choses comme: « c’est comme si je le revivais, les mêmes mots, la même manière de s’emporter, de ridiculiser, de mentir, de manipuler!”…
Il faut bien saisir que ces femmes et ces hommes, bien des années après la fin d’une relation toxique (enfant ou adulte), peuvent continuer de ressentir par exemple une sidération, une confusion mentale, une honte indicible comme conséquence de leur traumatismes créés auprès d’une personne pathologiquement narcissique. Parce que vivre sous l’emprise narcissique, c’est vivre dans un théâtre permanent où l’on n’a jamais le droit d’exister comme soi, et je dirais que c’est souvent être réduit à un objet qui a pour fonction: admirer, obéir, s’effacer, réparer ou alors être puni, humilié et exclu!
 
Les mécanismes les plus présents que j’observe chez ces patients sont souvent les suivants:
une hypervigilance car l’ancienne victime est toujours à l’affût du ton qui monte, du regard qui juge, de la phrase qui va basculer et Trump, dans sa manière de « couper », de « corriger », de « ridiculiser », réactive ce climat d’insécurité.
un sentiment d’impuissance car voir une figure narcissique être acclamée publiquement réveille la mémoire d’avoir été, soi, invisible, non-cru(e), et souvent quelque part sacrifié(e) pour préserver les fameuses « apparences »…
une honte intériorisée parce qu’un doute destructeur jaillit depuis l’élection de Trump avec des ruminations du type « si une personne aussi toxique est aussi populaire, est-ce que c’est moi qui exagère? Ai-je été trop sensible à l’enfance?”…
un isolement émotionnel car bien souvent les victimes évitent de parler de leur malaise et ressentis traumatiques en écoutant Trump par peur d’être accusées de faire de la « politique » alors qu’il s’agit, pour elles, de survie psychique…
 
Avec un peu d’empathie et de bienveillance, on pourra saisir, au risque de le répéter, que la figure narcissique de Trump agit pour ces anciennes victimes de traumatismes narcissiques et émotionnels comme un détonateur mnésique. Et je précise que dans cet article je n’aborde pas les aspects abus sexuels pour lesquels il a été condamnés par la justice et qui peuvent être un déclencheur pour d’autres types de victimes… Cette figure politique narcissique ravive non pas des souvenirs précis, mais plutôt une ambiance il me semble: celle de la terreur froide, du doute chronique, de l’enfermement de la manipulation et de la violence de l’humiliation.
Il me semble important de préciser que certaines personnes peuvent alors plonger dans un état de stress post-traumatique dans la mesure où Trump incarne la figure traumatique pour certaines victimes…
 
Alors j’espère que ce court article pourra mettre des mots sur le vécu douloureux qui s’impose chez certaines personnes à l’écoute de Donald Trump. Je précise à nouveau qu’il ne s’agit pas pour moi ici de « faire de la politique », mais bien plutôt « faire de la clinique », en essayant de rendre visible ce qui souvent est tu dans les familles, les couples ou les médias: la violence narcissique!
Et puis, c’est peut-être aussi rappeler à celles et ceux qui se sentent bouleversés par ce type de personnage que leur ressenti est valide, que leur réaction émotionnelle n’est pas exagérée: elle est le signal d’un traumatisme encore vivant!

 

 
 

Je vous propose ici quelques articles et vidéos sur des sujets qui pourraient vous intéresser:

  1. Agressions sexuelles et harcèlement en France
  2. Pourquoi sommes-nous influençables? – L’influence sociale
  3. La soumission à l’autorité – Quelques réflexions à la suite des conclusions de Milgram
  4. La valorisation du travail, une injustice sociale?
  5. Le conformisme (Psychologie Sociale)

Tous droits réservés – © William Milliat / Esprit Psy

Partagez sur :

ChatGPT Image 28 sept
Quand vous décidez d'ignorer ceux qui vous blessent, vous enlevez une grande partie de leur pouvoir ?
Cette phrase, croisée sous différentes formes sur les réseaux sociaux, m'a paru intéressante: "Quand vous décidez d'ignorer ceux qui vous blessent, vous enlevez une grande partie de leur pouvoir."Sur le papier, cela semble libérateur. Mais dans la réalité psychique des personnes blessées, cette "stratégie" peut parfois s’avérer bien plus limitée...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 27 sept
Métaphore du travail thérapeutique
Cette phrase que j'ai croisée sur les réseaux sociaux, "tu ne peux pas coller des ailes sur une chenille et appeler ça un papillon. Le changement doit venir de l’intérieur", nous propose une jolie métaphore pour illustrer le travail thérapeutique il me semble. En tout cas c'est sur cet axe que je vous propose cette réflexion.Tout particulièrement...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 27 sept
Le sentiment "d'être nul(le)"
Je vous propose une rapide réflexion sur un sentiment que je croise bien souvent. Si je pars de mon expérience quotidienne, je dirais qu'il y a de nombreuses personnes pleines de qualités, par exemple sensibles et bienveillantes, qui vivent pourtant avec une impression sourde et tenace d’être nulles. Le terme ''nul'' peut apparaître choquant, car il...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 24 sept
Insensibilité à la toxicité des relations ?
Partons de ce petit texte, largement diffusé sur les réseaux et qui met en avant une posture protectrice face à la maltraitance relationnelle: "Si quelqu'un te traite mal, souviens-toi juste qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez cette personne, et non chez toi. Les gens normaux ne cherchent pas à détruire les autres."Quand on ce texte on peut...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 24 sept
Corrélation versus causalité
Les études en psychologie ne sont pas que l'étude des comportements ou de la psychopathologie par exemple. On y étudie également, surtout pendant les années de Licence, les statistiques. Cela permet entre autres, si l'on s'intéresse à la matière, de retenir que quand la science dit "peut-être", il n'y a jamais à entendre "c’est sûr"… Car autrement cela...
Continuer la lecture !