ESPRIT PSY

La manipulation dans la sexualité et le consentement éclairé

A la suite de l’article sur le concept de la soumission librement consentie, nous poursuivons ici notre réflexion avec la question du consentement dans la sexualité.

Il est en effet essentiel de pouvoir saisir des situations où la manipulation ou l’abus sont manifestes et biaisent la question du consentement éclairé.

La sexualité, en tant que domaine intime et personnel, requiert un consentement éclairé et mutuel entre partenaires. Cependant, certaines situations peuvent faussement apparaître comme des cas de soumission « consentie » alors qu’en réalité, elles sont marquées par la manipulation ou une posture d’autorité abusive.

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Afin d’explorer cette notion du consentement, je vous propose d’appuyer notre pensée sur les différents aspects qui m’apparaissent illustrer les dynamiques problématiques abusives:

 

1 – Pression psychologique ou émotionnelle

Un partenaire peut exercer une pression psychologique ou émotionnelle sur l’autre pour obtenir un consentement sexuel, en utilisant des tactiques de manipulation telles que la culpabilisation, la honte, ou l’insistance sur des normes relationnelles ou sexuelles spécifiques.

Dans de tels cas, même si un consentement verbal est donné, il peut ne pas être éclairé, ni librement consenti, car il est obtenu dans un contexte de contrainte émotionnelle.

L’utilisation de la manipulation émotionnelle est clairement établie lorsque l’on cherche à faire culpabiliser son partenaire (« Si tu m’aimais vraiment, tu le ferais »), à créer un sentiment de dette émotionnelle, ou à jouer sur la peur de l’abandon pour obtenir un consentement sexuel.

Ces tactiques sapent la liberté de choix de l’individu, le poussant à se soumettre pour éviter des conséquences émotionnelles négatives.

 

Exemple:

Imaginons Camille et Alex, un couple ensemble depuis plusieurs années. Alex commence à exercer une pression psychologique sur Camille pour obtenir un consentement sexuel, en utilisant différentes tactiques de manipulation.

Par exemple, Alex pourrait dire à Camille : « Si tu m’aimais vraiment, tu n’aurais pas de problème à faire ça pour moi », jouant ainsi sur la culpabilisation. Cette phrase sous-entend que le refus de Camille reflète un manque d’amour ou d’engagement dans la relation, ce qui peut laisser Camille se sentir coupable ou insuffisant(e) en tant que partenaire.

Alex peut également créer un sentiment de dette émotionnelle en rappelant à Camille les fois où il/elle a fait des compromis pour le/la rendre heureux/se, suggérant que Camille doit maintenant « rendre la pareille » pour prouver son amour et sa gratitude. Cela place Camille dans une position où dire non pourrait être perçu comme de l’ingratitude ou un manque de réciprocité dans la relation.

Enfin, Alex pourrait insinuer ou exprimer directement que refuser pourrait entraîner une rupture ou une diminution de l’affection, jouant ainsi sur la peur de l’abandon de Camille. Cette menace implicite ou explicite d’abandon ou de rejet peut pousser Camille à consentir, non pas par désir, mais par peur de perdre la relation ou de blesser Alex.

Dans ces scénarios, même si Camille finit par donner un consentement verbal, ce consentement n’est ni pleinement éclairé ni librement donné. Il est le résultat d’une contrainte émotionnelle, où Camille se sent forcé(e) de se conformer pour éviter des conséquences émotionnelles négatives. Cette dynamique sape la liberté de choix de Camille et démontre l’utilisation de la manipulation émotionnelle pour obtenir un consentement sexuel.

 
 
2 – Influence d’une position d’autorité

Dans des relations où l’un des partenaires détient une forme d’autorité ou de pouvoir significatif sur l’autre (par exemple en termes de statut socio-économique, d’âge, ou de position professionnelle), le consentement peut être compromis.

La personne en position d’autorité peut, intentionnellement ou non, exercer une pression implicite sur l’autre, qui se sent alors obligé(e) de se conformer à ses désirs.

Ne nous y trompons pas, c’est bien le déséquilibre de pouvoir de ce type de relation, qui peut amener un partenaire à se sentir obligé de se soumettre aux désirs sexuels de l’autre sans véritable consentement. L’autorité perçue ou réelle d’un partenaire peut créer un environnement où l’autre partenaire se sent incapable de refuser ou de communiquer librement ses propres désirs et limites.

Vous en avez de multiples exemple dans les scandales qui émergent dans la presse depuis l’avènement du mouvement #Metoo.

Exemple:

Prenons l’exemple de Léa et Jordan. Léa est une jeune employée dans une grande entreprise et Jordan est son supérieur hiérarchique, avec un statut socio-économique et professionnel nettement plus élevé. Ils entament une relation en dehors du travail, mais la dynamique de pouvoir qui existe entre eux au bureau se répercute sur leur vie privée.

Jordan, en position d’autorité, pourrait ne pas exercer de pression explicite sur Léa pour obtenir un consentement sexuel, mais le simple fait de sa position crée une pression implicite.

Par exemple, Jordan pourrait suggérer de passer le week-end ensemble dans un lieu luxueux, ce qui, pour Léa, pourrait sembler être une opportunité qu’elle ne peut pas refuser sans risquer de compromettre sa relation avec Jordan et, potentiellement, sa carrière.

Même si Jordan ne mentionne jamais le travail ou n’utilise pas sa position de manière flagrante pour influencer Léa, le déséquilibre de pouvoir est clair. Léa pourrait se sentir obligée de se conformer aux désirs de Jordan, craignant les conséquences, réelles ou perçues, d’un refus sur sa situation professionnelle et personnelle.

Cette situation pourrait amener Léa à accepter des situations sexuelles non désirées, se sentant incapable de refuser ou de communiquer librement ses propres désirs et limites en raison du pouvoir que Jordan détient sur elle.

Dans ce contexte, le consentement de Léa peut être considéré comme compromis. Bien qu’elle puisse donner un consentement verbal, les circonstances sous-jacentes suggèrent qu’il n’est pas donné de manière pleinement libre et éclairée.

Le déséquilibre de pouvoir entre Léa et Jordan crée un environnement où Léa se sent obligée de se conformer aux désirs de Jordan, illustrant comment une position d’autorité peut compromettre le consentement dans une relation.

 

3 – Manque d’information ou d’éducation sexuelle

Un consentement éclairé implique une compréhension claire de ce à quoi on consent.

Lorsqu’il y a un manque d’information ou d’éducation sexuelle adéquate, un individu peut se retrouver à consentir à des pratiques sexuelles sans comprendre pleinement leurs implications, leurs risques, ou sans avoir considéré ses propres désirs et limites.

Ce type de situation peut être exacerbé par un partenaire qui exploite ce manque de connaissances pour imposer ses propres désirs.

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Exemple:

Imaginons Emma et Lucas, un couple de jeunes adultes. Emma a grandi dans un environnement où l’éducation sexuelle était taboue et n’a jamais reçu d’informations complètes ou précises sur la sexualité, les pratiques sexuelles, le consentement, ou la santé sexuelle et reproductive. Lucas, ayant un peu plus d’expérience et d’éducation sur le sujet, comprend mieux ces aspects.

Dans leur relation, Lucas propose d’explorer certaines pratiques sexuelles que Emma ne comprend pas pleinement, faute d’éducation sexuelle adéquate. Par exemple, Lucas pourrait suggérer d’essayer une nouvelle pratique sexuelle dont Emma n’a jamais entendue parler. Sans une compréhension claire de ce à quoi cela implique, y compris les aspects de sécurité, de plaisir mutuel, et de consentement, Emma peut se sentir obligée d’accepter pour plaire à Lucas ou par peur de paraître inexpérimentée ou ignorante.

Lucas, consciemment ou non, peut exploiter le manque de connaissances d’Emma, en ne fournissant pas une explication complète ou en minimisant les risques et l’importance du consentement mutuel et informé. Emma consent alors à ces pratiques sans une compréhension pleine et entière de leurs implications, de leurs risques, ou même de ses propres désirs et limites.

Cette situation illustre donc comment le manque d’information ou d’éducation sexuelle peut mener à un consentement non éclairé.

Emma se retrouve dans des situations où elle ne peut pas faire des choix informés sur sa propre sexualité, ce qui peut avoir des conséquences sur son bien-être émotionnel et physique. Une relation saine dans ce contexte devrait inclure une communication ouverte sur ces sujets, avec Lucas prenant le soin d’assurer qu’Emma ait accès aux informations nécessaires pour donner un consentement véritablement éclairé.

 

4 – Normalisation de comportements coercitifs

Dans certains cas, la culture ou les médias peuvent normaliser certains comportements sexuels coercitifs ou des dynamiques de pouvoir déséquilibrées comme étant des éléments acceptables ou même souhaitables d’une relation sexuelle.

Les individus peuvent intérioriser ces normes et se soumettre à des pratiques qui ne reflètent pas leur consentement authentique, croyant à tort que ces dynamiques font partie intégrante d’une sexualité normale.

Exemple:

Sophie et Max sont en couple depuis quelques années. Influencés par certains films, séries télévisées, et discussions dans leurs cercles sociaux, ils ont intériorisé l’idée que certaines dynamiques de pouvoir déséquilibrées et comportements sexuels coercitifs sont normaux et même désirables dans une relation.

Par exemple, ils ont souvent vu des scénarios où insister lourdement pour obtenir un rapport sexuel ou ignorer les premiers signes de refus est présenté comme une preuve de passion ou d’attraction irrésistible.

Max, influencé par ces représentations, peut commencer à adopter ces comportements, croyant qu’il s’agit de la manière appropriée d’exprimer son désir. Sophie, de son côté, peut se sentir mal à l’aise avec ces avances pressantes, mais les accepte parce qu’elle croit, à tort, que c’est ainsi que les relations sexuelles sont censées fonctionner. Elle peut penser que résister ou exprimer son inconfort serait anormal ou qu’elle serait perçue comme prude.

Cette situation conduit Sophie à se soumettre à des pratiques sexuelles non désirées, non pas parce qu’elle les désire véritablement, mais parce qu’elle a intériorisé l’idée que refuser ou exprimer ses propres désirs et limites ne correspond pas à ce que la société considère comme une sexualité « normale » ou passionnée. Ce comportement normalisé dans leur relation ne reflète pas le consentement authentique de Sophie, mais plutôt une conformité à des normes culturelles et médiatiques erronées.

Ce type de normalisation des comportements coercitifs peut avoir un impact profond sur le bien-être des individus et la dynamique de leurs relations, soulignant l’importance de l’éducation sexuelle qui inclut la communication, le respect mutuel, et la compréhension du consentement éclairé et enthousiaste.

 
 
 
 
5 – Utilisation de l’alcool ou de substances

Le consentement éclairé requiert que les deux partenaires soient en pleine possession de leurs moyens. L’utilisation de l’alcool ou de substances pour «faciliter» un accord sexuel crée une situation où le consentement ne peut être considéré comme pleinement volontaire ou éclairé, car la capacité de prendre des décisions conscientes et réfléchies est altérée.

Exemple:

Julie et Thomas sont un couple qui sort souvent avec des amis le week-end. Un soir, lors d’une fête, ils consomment tous les deux une quantité importante d’alcool, comme c’est parfois l’habitude dans leur cercle social. Thomas sait que l’alcool a tendance à désinhiber Julie et pense que c’est le moment idéal pour suggérer d’essayer quelque chose de nouveau dans leur vie sexuelle, une idée que Julie avait précédemment refusée ou sur laquelle elle s’était montrée hésitante lorsqu’ils en avaient discuté à jeun.

Sous l’effet de l’alcool, la capacité de Julie à évaluer la situation, à considérer ses propres désirs et limites, et à donner un consentement pleinement éclairé est significativement diminuée. Elle pourrait se sentir plus ouverte à l’idée ou moins capable de communiquer ses hésitations ou son refus. Thomas, profitant de cet état de désinhibition, peut considérer le consentement de Julie comme un accord enthousiaste, alors qu’en réalité, elle n’est pas en pleine possession de ses moyens pour prendre une décision consciente et réfléchie.

Dans ce contexte, même si Julie donne son accord verbal, la question se pose de savoir si ce consentement est véritablement éclairé et volontaire.

L’utilisation de l’alcool a créé une situation où Julie ne peut pas exercer son jugement de manière optimale, mettant en doute la validité de son consentement.

Cet exemple illustre comment l’utilisation de l’alcool ou de substances pour faciliter un accord sexuel peut compromettre la capacité d’un individu à donner un consentement pleinement volontaire et éclairé.

 
 
 
 
6 – Consentement sous condition

Des situations où le consentement est donné sous condition ou en échange de promesses, de sécurité émotionnelle, de stabilité financière, ou de faveurs. Dans ces cas, la soumission peut sembler volontaire mais est en réalité motivée par la peur de perdre ces avantages ou par la nécessité de répondre à des attentes spécifiques, plutôt que par un désir authentique.

 
Exemple:

Marie et Éric forment un couple où Éric est nettement plus âgé et financièrement stable, tandis que Marie est encore aux études et dépend financièrement d’Éric.

Éric a souvent exprimé qu’il est prêt à soutenir Marie dans ses études et sa carrière, à condition qu’elle soit toujours disponible pour lui et réponde à ses attentes dans leur vie intime. Marie ressent une pression constante pour se conformer aux désirs d’Éric, craignant que si elle ne le fait pas, elle pourrait perdre son soutien financier et la stabilité qu’il lui apporte.

Dans ce contexte, Marie peut consentir à des pratiques sexuelles ou à une fréquence de relations sexuelles qui ne correspondent pas à ses désirs ou à son confort personnel, simplement parce qu’elle se sent obligée de répondre aux attentes d’Éric pour maintenir sa sécurité financière et émotionnelle.

Bien qu’elle puisse donner son consentement verbal, ce consentement est conditionnel et motivé par la peur de perdre le soutien d’Éric, plutôt que par un désir authentique.

Cette dynamique met en évidence une forme de consentement sous condition, où la soumission de Marie est influencée par des facteurs externes tels que la sécurité financière et émotionnelle, plutôt que par une volonté libre et éclairée.

Dans de tels cas, le consentement n’est pas pleinement libre car il est donné dans un contexte où la personne se sent contrainte par les circonstances ou les conséquences potentielles de ne pas se conformer.

7 – Abus de confiance

Dans le cadre de relations de confiance (par exemple, entre un patient et un thérapeute, un étudiant et un enseignant), la soumission à des avances sexuelles peut être induite par un abus de cette confiance. Le partenaire en position de vulnérabilité peut consentir aux actes sexuels non pas par désir, mais par une croyance erronée dans l’autorité ou l’expertise de l’autre.

Exemple:

Clara est étudiante en dernière année d’université, et elle est très proche de son professeur principal, M. Dubois, qui est également son mentor et conseiller pour son projet de fin d’études. M. Dubois a gagné la confiance de Clara au fil des années, lui offrant des conseils académiques et professionnels.

Cependant, au fil du temps, M. Dubois commence à manifester un intérêt personnel pour Clara, en lui proposant des rendez-vous en dehors du cadre académique, sous prétexte de discuter de son avenir professionnel.

Face à ces avances, Clara se sent confuse et vulnérable. D’une part, elle a un grand respect et une confiance en M. Dubois en raison de son autorité académique et de l’aide précieuse qu’il lui a apportée. D’autre part, elle ressent une certaine pression à ne pas décevoir ou contrarier M. Dubois, craignant que cela puisse nuire à son avenir académique et professionnel.

Influencée par cette relation de confiance et par crainte des conséquences potentielles de son refus, Clara peut finir par consentir à des actes sexuels avec M. Dubois, non pas par désir authentique, mais par une croyance erronée dans son autorité et son expertise, ainsi que par la peur des répercussions sur sa carrière si elle s’oppose à lui.

Cet exemple illustre un abus de confiance, où M. Dubois exploite la relation professionnelle et le respect que Clara lui porte pour induire un consentement à des relations sexuelles.

La position de vulnérabilité de Clara et sa dépendance à l’égard de M. Dubois pour son avancement académique et professionnel compromettent sa capacité à refuser ou à consentir librement aux avances sexuelles de M. Dubois, mettant en évidence la complexité et les risques des relations intimes dans des contextes de déséquilibre de pouvoir et de confiance.

8 – Fausse représentation ou omission d’information

Obtenir le consentement par la fausse représentation (mentir sur l’utilisation de contraceptifs, par exemple) ou l’omission d’informations critiques (ne pas divulguer un état de santé sexuellement transmissible) constitue une manipulation. Le consentement donné dans ces conditions n’est pas pleinement éclairé, car il repose sur des informations incomplètes ou fausses.

Exemple:

Alex et Jordan sont en début de relation et discutent des conditions de leur intimité. Alex insiste sur l’importance d’utiliser des contraceptifs pour éviter une grossesse, ce sur quoi Jordan semble d’accord.

Cependant, en réalité, Jordan choisit de ne pas utiliser de contraceptif, en mentant à Alex sur son utilisation effective lors de leurs rapports sexuels. Jordan pense que, par omission, cette décision n’affectera pas leur relation et que les bénéfices personnels l’emportent sur les risques.

Dans un autre scénario, Jordan pourrait également avoir une maladie sexuellement transmissible (MST) qu’il choisit de ne pas divulguer à Alex, craignant que cette information ne mette fin à leur relation ou n’entrave leur intimité. Jordan justifie ce manque de divulgation par la peur du rejet et convainc lui-même que cela n’affectera pas Alex.

Dans ces deux cas, Alex consent à l’intimité sous des prémisses fausses ou incomplètes. Le consentement donné repose sur la confiance en l’honnêteté de Jordan concernant l’utilisation de contraceptifs et la santé sexuelle. Lorsque cette confiance est trahie par la fausse représentation ou l’omission d’informations critiques, le consentement d’Alex n’est pas pleinement éclairé.

Alex a pris une décision basée sur des informations erronées, ce qui compromet la validité de son consentement. Ce type de manipulation souligne l’importance de la transparence et de l’honnêteté dans les discussions sur la santé sexuelle et les pratiques de sécurité dans les relations intimes.

 

 
9 – Pression sociale et culturelle

La pression sociale ou culturelle pour se conformer à certaines pratiques ou rôles sexuels peut également mener à une soumission qui n’est pas véritablement consentie. Les individus peuvent se sentir contraints d’adopter des comportements sexuels spécifiques pour être acceptés ou valorisés par leur partenaire, leur groupe social, ou leur culture, même si ces comportements ne correspondent pas à leurs désirs personnels.

Exemple:

Imaginons Juliette, une lycéenne de 16 ans, qui ressent intensément la pression de s’intégrer à la culture dominante de son lycée, où avoir des relations amoureuses et sexuelles est vu comme un rite de passage incontournable. La plupart de ses amies et camarades partagent ouvertement leurs expériences et semblent valoriser ceux qui sont actifs dans le domaine des relations amoureuses. Entendre régulièrement ces discussions et témoignages conduit Juliette à se sentir en marge, car elle n’a pas encore vécu de telles expériences.

Poussée par le désir d’appartenir et de se conformer aux attentes sociales de son environnement, Juliette prend la décision de trouver un petit ami, non pas parce qu’elle ressent une attirance ou une connexion émotionnelle particulière avec quelqu’un, mais parce qu’elle veut « cocher cette case » et se sentir intégrée. Elle veut vivre sa « première fois » pour répondre à ces normes culturelles, plutôt que par un désir personnel ou une relation fondée sur des sentiments mutuels.

Dans cette quête, Juliette rencontre Lucas, un camarade de classe qui lui montre de l’intérêt. Même si Juliette n’éprouve pas de sentiments forts pour Lucas, elle décide d’entamer une relation avec lui, pensant que cela lui permettra d’atteindre le statut désiré au sein de son lycée et de ne plus se sentir exclue.

Cette situation illustre la puissance de la conformité sociale au lycée et comment elle peut amener les jeunes à prendre des décisions importantes, comme celle d’entamer une relation amoureuse ou d’avoir des relations sexuelles, basées sur le désir d’intégration plutôt que sur des sentiments authentiques ou une préparation personnelle. Juliette se soumet à la culture du lycée et aux pressions qui y sont associées, ce qui peut avoir des répercussions sur son estime de soi, sa santé émotionnelle, et sa manière de percevoir les relations et la sexualité à l’avenir.

Conclusion

Vous l’aurez compris, ces exemples soulignent l’importance d’une communication ouverte et honnête sur les désirs, les limites, et le consentement au sein des relations sexuelles. Ils rappellent également la nécessité d’être vigilant(e) face aux dynamiques de pouvoir et aux tactiques de manipulation qui peuvent compromettre la liberté et l’intégrité de la volonté individuelle dans la sphère de la sexualité, pour soi et pour les autres, en particulier les personnes vulnérables (mineurs, anciennes victimes d’abus, personnes dépendantes affectives, personnes en précarité financière, etc.)

Et comme toujours pour ceux qui connaissent mon cheval de bataille sur la chaine ESPRIT PSY, j’insiste sur le fait que l’éducation sur ce sujet, à tout âge, est essentielle. Nous pourrons ensuite nous-même nous questionner, nous repositionner si besoin, promouvoir une compréhension nuancée et approfondie du consentement (qui va au-delà de la simple acceptation verbale), reconnaitre des dynamiques de pouvoir en identifiant comment l’âge, le statut socio-économique, le genre, et d’autres facteurs peuvent créer des déséquilibres de pouvoir, développer de l’autonomie et des compétences sociales, cela incluant l’apprentissage de la capacité à dire non, à reconnaître et respecter le non des autres.

C’est également par l’éducation collective (Collège, lycée, famille, associations, créations artistiques,…) que peut émerger une compréhension approfondie du consentement et des dynamiques de pouvoir pour la prévention des abus.

En éduquant les individus sur les signes de manipulation, de coercition, et d’abus d’autorité, on les outille pour reconnaître et éviter les situations potentiellement préjudiciables, et on encourage une culture de respect mutuel, on promeut une culture de consentement dans tous les aspects de la société.

A lire aussi dans ma série d’articles sur la soumission librement consentie:

Partie 1 – Soumission librement consentie: frontière entre manipulation et persuasion

Partie 2 – Techniques de manipulation psychosociale

Partie 3 – Couple : La question de la soumission librement consentie

Partie 4 – La manipulation dans la sexualité et le consentement éclairé

Partie 5 – L’individu au travail & la soumission librement consentie

Je vous propose aussi quelques articles et vidéos sur des sujets qui pourraient vous intéresser:

  1. Agressions sexuelles et harcèlement en France
  2. Pourquoi sommes-nous influençables? – L’influence sociale
  3. La soumission à l’autorité – Quelques réflexions à la suite des conclusions de Milgram
  4. La valorisation du travail, une injustice sociale?
  5. Le conformisme (Psychologie Sociale)

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Bibliographie:

Beauvois, J.-L., & Joule, R.-V. (1987). Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Presses Universitaires de Grenoble.

Beauvois, J.-L., & Joule, R.-V. (1996). Soumission et idéologies. Psychosociologie de la rationalisation. Presses Universitaires de France.

Cialdini, R. B. (2004). Influence et manipulation. First.

Dejours, C. (1998). Souffrance en France: La banalisation de l’injustice sociale. Seuil.

Gagnon, É. (2017). Communiquer pour mieux vivre. Éditions de l’Homme.

Lévy, F. (2010). Le couple, son intimité et ses secrets. Albin Michel.

Alter, N. (2012). Donner et prendre : La coopération en entreprise. La Découverte.

Ricoeur, P. (1995). Soi-même comme un autre. Seuil.

Sibony, D. (2003). Entre-deux: L’origine en partage. Seuil.

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