LE biais de négativité
Contourner nos pièges cognitifs (Partie 1): le biais de négativité
On ne répétera jamais assez que notre cerveau est une machine fascinante, une œuvre d’ingénierie biologique affinée par des millions d’années d’évolution… Super! Mais le souci pour homo sapiens du XXIème siècle c’est que ce même cerveau n’a pas été conçu pour nous rendre heureux
. Hé oui, il s’est façonné pour assurer notre survie!
Conséquences: il se retrouve programmé pour détecter les menaces avant tout, se focaliser davantage sur les échecs que sur les réussites et privilégier la routine à l’exploration. Tout un programme plutôt efficace à l’ère des prédateurs et des dangers immédiats mais beaucoup moins adapté à notre monde moderne où, paradoxalement, cette vigilance excessive peut nous enfermer dans un cycle d’anxiété et de pessimisme.
Je précise que ceci vaut pour toute personne en général et que les mécanismes de survie vont être renforcés pour toute personne qui aurait vécu dans un environnement hostile au cours de son développement (violence physique, abus émotionnel, abus sexuel, climat de violence familiale, …).
Donc ce qui suit reste valable pour tous mais pourra être plus difficile d’accès pour les personnes luttant contre les conséquences d’abus à l’enfance par exemple. Ce n’est pas que la volonté soit en cause, c’est que le stress chronique à l’enfance a entraîné des modifications neurobiologiques qui renforcent encore plus la vigilance et affectent la capacité à moduler certaines émotions. Un travail thérapeutique adapté pourra aider les personnes concernées à déjà prendre conscience de la mécanique d’hypervigilance et à abaisser progressivement l’activité de leur amygdale cérébrale hypertrophiée pour ensuite agir dans une certaine mesure sur la neurogénèse et le cortex préfrontal.
Donc l’idée à garder à l’esprit c’est que si notre cerveau est câblé ainsi pour assurer notre survie, il n’est pas pour autant figé. Et c’est là une bonne nouvelle pour tous car grâce à la neuroplasticité le cerveau est capable de se remodeler, de se reprogrammer en quelques sortes et donc d’apprendre à fonctionner autrement…
Dans cette perspective et pour aujourd’hui, je vous propose de parler précisément de l’un des biais cognitifs les plus puissants et qui nous enferme trop souvent dans une perception tronquée de la réalité: le biais de négativité. C’est ce biais qui nous pousse à accorder bien plus de poids aux expériences désagréables qu’aux moments agréables ce qui influence notre attention, notre mémoire et nos réactions émotionnelles!
Parmi les nombreuses études démontrant ce biais, je vous en propose ici deux dont les résultats peuvent nous interpeller:
Gottman et Levenson (1992) ont analysé les interactions conjugales et établi que pour maintenir une relation stable un couple devait avoir au moins 5 interactions positives pour compenser une interaction négative (ce qui est souvent interprété comme un ratio de 5:1).
Fessler et al. (2004) ont étudié la réactivité émotionnelle et suggèrent que la réponse cérébrale aux événements négatifs peut être trois à cinq fois plus forte qu’aux événements positifs…
Donc on comprend mieux pourquoi une critique nous affecte plus qu’un compliment, pourquoi un échec reste imprimé dans notre mémoire plus profondément qu’une réussite et pourquoi une journée entière peut nous sembler gâchée à cause d’un unique événement frustrant!
Je le rappelle, cette tendance a une explication évolutive: pour nos ancêtres lointains, mieux valait se souvenir du danger que d’un coucher de soleil! 
Mais aujourd’hui cette »hypervigilance au négatif » peut nous desservir plus qu’elle ne nous protège, nous laissant souvent avec une impression de malaise persistant et une vision biaisée de notre environnement immédiat, un peu comme si nous étions sous le coup d’une menace floue.
Mais heureusement si je puis dire, nous pouvons renverser dans une certaine mesure cette tendance en entraînant notre cerveau à percevoir davantage le positif. C’est Martin Seligman (2005), l’un des pionniers de la psychologie positive, qui a démontré qu’un exercice simple pouvait déjà suffire à modifier (parfois en profondeur) notre perception du quotidien.
Un exercice efficace que je propose souvent en consultation consiste à noter chaque soir trois éléments positifs de la journée. Il ne s’agit pas forcément de grandes victoires ou de succès retentissants mais de détails parfois anodins comme un échange agréable, une blague qui nous a fait sourire, une musique qui nous a procuré du plaisir, une sensation agréable en buvant un café ou un thé chaud, etc. C’est en répétant cet exercice pendant plusieurs semaines (j’insiste, plusieurs semaines, donc après l’avoir intégré dans une routine…), que notre cerveau commencera à détecter naturellement plus de positif comme s’il recalibrait peu à peu son filtre de perception.
Après environ six semaines, on constate généralement une amélioration du bien-être général, une réduction du stress et un état d’esprit plus équilibré!
Ce travail sur l’attention aux aspects positifs du quotidien est en réalité une forme d’entraînement cérébral: on ne nie pas la réalité, on choisit simplement d’accorder plus de place aux moments agréables.
Et contrairement à ce que l’on pourrait croire cela n’a rien d’une pensée naïve ou déconnectée car il s’agit d’un véritable travail sur nos schémas mentaux, une façon de redonner au positif la place qu’il mérite dans notre perception du monde.
Donc pour résumer, oui notre cerveau est programmé pour survivre, mais oui aussi nous avons la capacité de lui apprendre à vivre mieux.
A bientôt pour une réflexion sur un autre biais.
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Cette phrase, croisée sous différentes formes sur les réseaux sociaux, m'a paru intéressante:
"Quand vous décidez d'ignorer ceux qui vous blessent, vous enlevez une grande partie de leur pouvoir."Sur le papier, cela semble libérateur.
Mais dans la réalité psychique des personnes blessées, cette "stratégie" peut parfois s’avérer bien plus limitée...

Cette phrase que j'ai croisée sur les réseaux sociaux, "tu ne peux pas coller des ailes sur une chenille et appeler ça un papillon. Le changement doit venir de l’intérieur", nous propose une jolie métaphore pour illustrer le travail thérapeutique il me semble.
En tout cas c'est sur cet axe que je vous propose cette réflexion.Tout particulièrement...

Je vous propose une rapide réflexion sur un sentiment que je croise bien souvent. Si je pars de mon expérience quotidienne, je dirais qu'il y a de nombreuses personnes pleines de qualités, par exemple sensibles et bienveillantes, qui vivent pourtant avec une impression sourde et tenace d’être nulles.
Le terme ''nul'' peut apparaître choquant, car il...

Partons de ce petit texte, largement diffusé sur les réseaux et qui met en avant une posture protectrice face à la maltraitance relationnelle:
"Si quelqu'un te traite mal, souviens-toi juste qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez cette personne, et non chez toi. Les gens normaux ne cherchent pas à détruire les autres."Quand on ce texte on peut...

Les études en psychologie ne sont pas que l'étude des comportements ou de la psychopathologie par exemple. On y étudie également, surtout pendant les années de Licence, les statistiques.
Cela permet entre autres, si l'on s'intéresse à la matière, de retenir que quand la science dit "peut-être", il n'y a jamais à entendre "c’est sûr"…
Car autrement cela...
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