La Psychopathie : Une Introduction à la Complexité d’un Concept
Bienvenue sur cet article introductif à la psychopathie, qui pose les bases d’une réflexion approfondie dans de prochains articles sur ce concept. Ce sujet, souvent source de fascination, se heurte à une difficulté majeure : l’absence d’une définition consensuelle.
Le terme « psychopathie », bien que largement utilisé, est absent du DSM-5, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, référence en psychiatrie. Même dans les dictionnaires en ma possession comme le Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis, ou le Dictionnaire de la psychologie de Henri Piéron, le concept de psychopathie est peu ou pas évoqué. Dans ce dernier ouvrage, le mot psychopathe est néanmoins défini comme: :
Sujet atteint de déséquilibre psychique se traduisant par une inadaptation aux disciplines sociales et morales, par de l’impulsivité et par une tendance fréquente au comportement sexuel atypique et aux toxicomanies. Chez les anciens auteurs, on rencontre parfois ce terme comme synonyme de malade mental .
Cette définition, bien que succincte, illustre une tentative de décrire un comportement plutôt qu’un trouble spécifique. Elle fait vaguement référence à un « déséquilibre psychique » sans réellement approfondir la psychopathie en tant que condition distincte.
Un concept plutôt évité en psychanalyse
Pour les psychanalystes, la psychopathie reste un terme controversé, souvent associé à un cadre psychiatrique détaché de l’analyse psychodynamique. Ce point est accentué par le fait que Freud lui-même a peu écrit sur le sujet. Hormis deux articles : Le criminel par sentiment de culpabilité (1916) et Personnages psychopathiques à la scène (1942), Freud ne s’est pas intéressé en profondeur à la psychopathie ou à la délinquance criminelle.
Pourquoi ? Peut-être à cause de l’absence de parole chez les individus concernés. Les psychopathes, rarement enclins à l’introspection ou à la verbalisation, ne s’allongent pas spontanément sur le divan du psychanalyste. Cette difficulté d’accès limite la compréhension analytique de ce profil.
Psychopathie et culture : l’influence du cinéma américain
Partons d’un malentendu fréquent : la psychopathie est souvent caricaturée dans la culture populaire, particulièrement dans les films américains. Des personnages comme Hannibal Lecter (Le Silence des Agneaux) ou Patrick Bateman (American Psycho) incarnent des psychopathes archétypaux : manipulateurs, insensibles, et dépourvus de remords.
Hannibal Lecter illustre la froideur émotionnelle et l’absence totale de culpabilité, même lorsqu’il commet des actes de cannibalisme. Patrick Bateman, quant à lui, est un exemple de psychopathe intégré dans un milieu social élevé, cachant sa violence sous une façade de normalité. Ces figures fictives, bien que fascinantes, sont des représentations exagérées et souvent irréalistes.
Du côté des films français, la fascination pour les manipulateurs dénués d’empathie existe également. Cependant, les psychopathes meurtriers en série sont moins omniprésents que dans le cinéma américain. En France, le psychopathe est souvent moins spectaculaire, mais tout aussi machiavélique dans ses intentions.
Non les psychopathes ne sont pas majoritairement des meurtriers!
Contrairement aux clichés hollywoodiens, la psychopathie ne se résume pas au meurtre. La violence psychopathique est instrumentale, orientée vers le contrôle ou la domination, et peut s’exprimer sans violence physique. Elle se manifeste dans des contextes variés comme par exemple:
- Délinquance,
- Harcèlement,
- Humiliation,
- Domination,
- Manipulation financière,
- Conduite dangereuse,
- Prises de risques extrêmes, comme les sports risqués.
- etc.
Je rappelle d’ailleurs ici que la plupart des meurtres sont commis par des individus non psychopathes, souvent dans des contextes émotionnels incontrôlés. Le meurtre prémédité, typique des psychopathes, reste rare… On est loin de l’obsession de tant de films à présenter les psychopathes comme des tueurs en série…
Différences culturelles : États-Unis vs France
Aux États-Unis donc, la psychopathie est souvent associée à des comportements criminels et encore plus souvent violents, le psychopathe y étant perçu comme une menace sociale majeure. Cette approche est en partie due à cette influence de la culture populaire, où les psychopathes sont fréquemment représentés comme des tueurs en série ou des criminels manipulateurs monstrueux, renforçant l’image d’une dangerosité extrême. Par conséquent, dans le contexte américain, la psychopathie est souvent abordée sous l’angle de la justice pénale, avec une insistance sur les risques de récidive et les implications pour la sécurité publique.
En France, en revanche, la psychopathie est plus souvent étudiée dans une perspective psychanalytique ou psychiatrique, en lien avec des troubles de la personnalité comme le narcissisme pathologique. Les cliniciens français, souvent influencés par des concepts freudiens et lacaniens, mettent parfois davantage l’accent sur les causes profondes et les troubles d’attachement à l’origine des comportements psychopathiques, plutôt que de se concentrer sur la criminalité. Ici, la psychopathie peut être considérée comme un trouble plus subtil, sans lien systématique avec la délinquance. Dans ce contexte, un individu ayant des traits psychopathiques pourrait être vu en France par rapport aux états unis comme plus souvent comme socialement intégré, manipulateur et indifférent aux émotions des autres par exemple, mais sans nécessairement présenter une dangerosité flagrante pour la société.
Alors les différences culturelles se reflètent également et je dirais même de manière flagrante directement dans les outils de diagnostic de la psychopathie. Prenons « L’Échelle révisée de la psychopathie de Hare, l’acronyme (PCL-R) Psychopathy Checklist-Revised étant gardé comme tel en psychiatrie et psychologie afin de faciliter les références aux écrits académiques internationaux. Alors cette Échelle révisée de la psychopathie de Hare est largement utilisée en Amérique du Nord et nous aurons ensemble l’occasion prochainement de l’étudier dans un article dédié. La PCL-R évalue des traits spécifiques, tels que le charme superficiel et le manque de remords, qui sont notés en fonction de leur pertinence dans le contexte criminel. En Europe, en revanche, on peut dire que des approches plus nuancées peuvent être adoptées, où les comportements antisociaux sont analysés plutôt dans une perspective de troubles de la personnalité plus large, parfois en utilisant des critères différents, comme ceux de la CIM qui est je vous le rappelle la Classification internationale des maladies et qui ne parle pas de psychopathie mais de « trouble de la personnalité dyssociale ». Donc en dehors de l’échelle de Hare qui est américaine, on ne parlera pas directement de psychopathie dans les outils d’évaluation des comportements antisociaux.
Alors pour globaliser tout ça, on peut concevoir que les variations culturelles influencent non seulement la perception de la psychopathie mais aussi son diagnostic et de fait son traitement, parce que si on n’évalue pas la même chose, on ne va pas y répondre thérapeutiquement de la même façon non plus. A partir de là on saisit mieux pourquoi il est si difficile à ce jour de fixer une définition universelle de la psychopathie et du psychopathe.
Un programme de vidéos et d’articles complémentaires pour explorer la psychopathie
Cette introduction n’est qu’un point de départ. Dans les prochaines vidéos et articles que vous pourrez retrouver sur la plateforme Esprit Psy prochainement, nous explorerons des facettes variées de la psychopathie :
- Symptomatologie et critères diagnostiques,
- Analyse différentielle avec d’autres troubles (personnalité antisociale, perversion, narcissisme, borderline, psychose),
- Perspectives psychanalytiques, neurobiologiques et cognitives,
- Exemples concrets
- Étude approfondie de l’échelle de Hare,
- Réflexions sur les perspectives thérapeutiques.
Conclusion
La psychopathie est un concept complexe, au carrefour de la psychiatrie, de la psychanalyse et de la culture. Ses multiples facettes et les différences culturelles qui influencent sa perception rendent son exploration particulièrement captivante. Restez connectés pour les prochaines vidéos, où nous approfondirons cette thématique sous différents angles.
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