ESPRIT PSY

Du mal à connecter avec vos émotions ?

Il m’apparaît que beaucoup de personnes ne sont pas réellement coupées de leurs émotions, mais plutôt qu’elles ne les questionnent pas ou si peu dans leur quotidien.
C’est un peu comme si ces émotions étaient là, sous-jacentes ou comme un bruit de fond, mais finalement jamais vraiment mises en lumière ou écoutées.
 
Et pourtant les émotions ne sont pas de simples réactions passagères, je les propose toujours à concevoir comme des panneaux indicateurs sur la route de notre vie. Elles nous informent au quotidien par exemple sur ce qui nous convient ou non, sur ce qui nous nourrit ou nous blesse, sur les relations qui nous apaisent et celles qui nous enferment.
Et puis les émotions sont parfois aussi source d’enseignement sur nos propres constructions psycho-affectives, on comprend mieux notre fonctionnement en les accueillant et en les questionnant.
 
Globalement, je dirais que lorsqu’on ignore les signaux émotionnels, c’est comme si on avançait à l’aveugle, parfois dans des directions qui nous desservent, parfois en acceptant des situations où l’on n’est pas respecté(e)ou encore parfois en générant nous-même des situations inconfortables pour soi ou pour l’autre (ce dernier point est plus technique et se travaille plutôt en thérapie, je pense aux transferts ou aux introjects par exemple: superpositions, autosabotage, etc.). Cette difficulté à interroger ses émotions est particulièrement visible dans les relations familiales et amoureuses par exemple.
 
Dans de nombreuses situations on croit aimer et être aimé simplement parce que l’idée de l’amour est là ou parce que c’est censé être un lien « naturel », un attachement légitime. Mais quand on prend le temps de se demander « qu’est-ce que je ressens réellement au quotidien dans cette relation ? », la réponse peut être assez troublante…
Car si l’amour est un espace de partage, de respect, de joie et d’authenticité, alors nos émotions dominantes dans une relation devraient être positives: un sentiment de sécurité, du bien-être, de la sérénité, une confiance réciproque, une capacité à exprimer qui l’on est sans crainte. Bien sûr, il peut y avoir des tensions, des désaccords, mais dans un cadre aimant ces moments difficiles trouvent une issue dans l’écoute et la non-violence.
 
Or, ce n’est pas toujours ce que nous ressentons et l’expérience clinique me dit que c’est un euphémisme… Car pour de nombreuses personnes, sous couvert d’un amour présumé, elles peuvent parfois/souvent/en permanence ressentir une angoisse diffuse, un sentiment de malaise inexplicable, une tension constante, de la peur, de la colère, du dégoût, etc. Ces signaux-là, qu’elles ont appris à taire ou à relativiser, sont souvent les indicateurs d’une relation qui les abîme, ce que l’on appelle une relation toxique.
 
Prenons quelques émotions en illustration:
 
D’abord la peur: Il m’arrive d’entendre « je l’aime, mais je me rends compte que j’ai souvent peur de ses réactions. » Précisons ici que la peur peut être une émotion subtile avec la peur de décevoir, peur de contrarier, peur de déclencher une crise, peur d’être jugé(e), peur d’être abandonné(e)… Et bien souvent elle reste  »maquillée » sous des discours qui la minimisent : « il a son caractère, c’est normal », « elle est juste un peu stressée en ce moment. » Mais la peur, dans une relation qui se veut ou se dit aimante, ne devrait jamais être une émotion centrale.
 
Parlons maintenant de la colère: la colère est une émotion souvent mal perçue car elle est associée à l’agressivité ou à la violence. Chaque jour j’explique qu’une colère saine n’est pas destructrice, qu’elle reste un signal d’alerte précieux qui nous indique : « quelque chose ici ne me convient pas, je ressens une injustice ou un non-respect, mes limites ne sont pas entendues… ».
J’ai constaté que certaines personnes dans des relations toxiques finissent bien souvent par ne plus ressentir leur propre colère ou alors que cette colère pourtant légitime finit totalement retournée contre elles-mêmes sous forme de culpabilité, de honte ou d’autodévalorisation.
J’entends alors quelque chose comme « je ne sais pas pourquoi mais à chaque fois que je lui exprime un problème, je finis par me sentir coupable comme si c’était moi le problème. » Et par exemple, en creusant dans le sens de cette émotion, il pourra souvent apparaître un mécanisme de manipulation affective (présent ou subi à l’enfance) qui empêchait la personne de reconnaître que sa colère était légitime…
 
Prenons comme dernier exemple la tristesse: il m’apparaît toujours qu’une tristesse qui s’installe durablement dans une relation, et sans raison apparente, soit aussi un signal à écouter. J’ai souvent entendu des personnes dire « je ne comprends pas, j’ai tout pour être heureux/se, mais je ressens une lourdeur constante, un épuisement émotionnel. » Par exemple cela peut traduire un mal-être non conscientisé dans le lien à l’autre ou une forme de résignation face à une relation qui ne satisfait plus du tout…
 
Plus généralement il me semble que beaucoup de personnes ne questionnent pas ces émotions par exemple parce qu’elles ont appris, bien malgré elles, à normaliser certaines souffrances, ou parce qu’elles se disent que c’est elles qui exagèrent ou encore parce qu’elles ont peut-être peur que se poser la question revienne à admettre que la relation est toxique…
Or prendre en compte ces émotions ne signifie pas forcément mettre fin à une relation, rassurons-nous, cela peut simplement permettre de poser des limites dans un premier temps pour rééquilibrer ce qui doit l’être, ou d’exiger légitimement du respect, en tout cas d’ouvrir un dialogue plus authentique. Et parfois, oui, cela peut amener à comprendre qu’un lien est devenu trop destructeur pour être maintenu.
 
Dans tous les cas nos émotions sont des guides, pas des ennemies!
Elles nous expriment quand nous sommes sur un chemin positif pour nous et quand il faut peut-être penser à réajuster notre trajectoire. Il m’apparaît toujours souhaitable de chercher à les entendre car c’est alors, dans de nombreuses situations, comme nous offrir une chance de reprendre une place légitime dans notre propre vie.
 
Je vous laisse avec cette petite question propice à l’introspection 🤓: A ce stade de votre vie, prenez-vous le temps d’interroger ce que vous ressentez VRAIMENT dans vos relations?
 
 
 

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