Poser des limites: on n’y est pas préparé en fait !

Il me semble que beaucoup de personnes ont du mal à dire non, à affirmer leurs besoins, ou à se protéger des intrusions des autres et ce bien au-delà des cas où l’enfance a été marquée par des abus caractérisés. Autrement dit il ne s’agit donc pas uniquement d’une conséquence d’un traumatisme évident ou d’une éducation toxique, mais plutôt d’un phénomène psycho-social qui s’ancre souvent dans certains premiers apprentissages sociaux et familiaux où les individualités n’ont pas été pleinement reconnue, où les dynamiques familiales apprennent me semble-t-il à faire passer les besoins des autres avant les siens.
Prenons l’exemple des « gentils enfants » qui ont appris à ne pas déranger. Quand on creuse un peu derrière les « je n’arrive pas à dire non, je culpabilise toujours » qu’on entend chez des personnes, il m’apparaît souvent qu’elles ont grandi dans des familles où dire non était perçu comme une opposition, une insoumission, voire un rejet de l’autre. Très jeunes, elles ont compris que leur rôle était de ne pas faire de vagues, d’être des enfants agréables, conciliants, accommodants. Pour être aimé, il fallait se conformer, éviter de froisser, faire plaisir.
Quand l’enfant devient le parent de son parent…

Avertissement : abus émotionnel du parent – inceste moral
Quand l’enfant devient le parent de ses propres parents… C’est un abus!
Il m’apparaît que l’un des schémas relationnels les plus invisibles mais pourtant dévastateurs est celui où un enfant devient, bien avant l’âge adulte, le parent de son propre parent.
C’est beaucoup plus courant qu’on ne le croit.
Et les enfants victimes de ça pensent être dans l’amour alors qu’elles baignent dans une relation toxique ou le parent est un abuseur caractérisé.
C’est l’une des composantes du climat incestuel et dont la conséquence est l’inceste moral.
La parentification de l’enfant est une inversion des rôles qui se fait souvent
en douceur, presque »naturellement », sous l’effet d’un contexte familial dysfonctionnel où l’enfant n’a pas le choix : il doit endosser une charge affective qui n’est pas la sienne.
Et je le redis, je me suis aperçu au fil des consultations, que ce phénomène touche bien plus de personnes qu’on ne le pense.
Ce sont par exemple ces enfants qui, très tôt, ont dû consoler un parent en souffrance, s’effacer pour ne pas créer de vagues, jouer le rôle du confident, de l’apaisant, parfois même du protecteur.
L’emprise affective parentale, cet »amour » qui enferme l’enfant-adulte

Un départ à notre pensée: l’amour parental est censé être un socle, une base sécurisante qui permet à l’enfant de grandir, de s’épanouir, puis de s’émanciper en tant qu’adulte. Ok. Mais il arrive, et bien plus souvent qu’on ne le croit, que cet amour, au lieu de soutenir, enferme. Et pas qu’un peu… Car un parent peut parfois (sans même en avoir conscience) maintenir un lien de dépendance affective avec son enfant, ce qui l’empêche d’exister pleinement par lui-même au final.
Je me suis aperçu, au fil des consultations, que cette emprise affective peut prendre plusieurs formes. Parfois elle est ouverte et visible à travers des phrases culpabilisantes du style « après tout ce que j’ai fait pour toi… » ou encore « si tu m’aimais vraiment, tu… », etc. Mais bien souvent, l’emprise affective est plus insidieuse, faite de regards lourds de reproches, de soupirs appuyés, d’une détresse affichée dès que l’enfant prend un peu de distance.
Combien de discours autour de Noël ou des vacances ai-je entendu sur ce thème… Combien de ruminaions enclenchées sur les »devoirs » à accomplir pour ses parents, les appels téléphoniques subis, les messages auxquels on répond sans envie, etc…
Un exemple d’une jeune femme: »à chaque fois que je veux partir en vacances, ma mère me dit qu’elle ne va pas bien ou alors c’est là qu’elle m’annonce
qu’elle a besoin de moi pour l’aider sur un truc pile sur la période concernée! Si je pars je culpabilise et si je reste je suis en colère. »
Ce qui s’exprime ici à mon sens c’est le piège affectif invisible dans lequel elle est prise: un chantage émotionnel non dit mais omniprésent qui lui interdit de vivre pour elle-même…