Réflexion: Le passé influence-t-il nos choix?
Je viens de lire cette phrase affirmative sur un réseau social:
« Tu n’imagines pas à quel point ton passé influence encore chaque choix que tu fais ».
Voici une réflexion personnelle à sa lecture.
J’ai toujours été intrigué (parfois même amusé, je l’avoue) par les affirmations péremptoires qu’on entend ici ou là: ”moi, je suis acteur de ma vie!” ou encore « je décide, je choisis, je trace mon propre chemin ».
J’y entends toujours une sorte de fierté existentielle, un engagement personnel qui m’apparaît émaner d’une volonté inébranlable, une conviction d’autonomie presque militante.

Bien sûr dans une certaine mesure il est vital de se sentir capable d’agir, de décider, de s’orienter… C’est même un marqueur de bonne santé psychique: la sensation d’exister comme sujet, de ne pas être purement objet des circonstances.
Oui, oui! Mais bien souvent, derrière ce discours d’apparente liberté, il y a une illusion il me semble, une illusion qui confond le sentiment de choisir avec la réalité des mécanismes qui conduisent à ces choix…
Il suffit de se poser quelques instants, en silence, pour observer nos pensées, nos réactions, nos élans, il suffit par exemple de se demander « d’où me vient cette envie soudaine de plaire à cette personne? », « pourquoi ai-je tant besoin que mon collègue me valide? », « qu’est-ce qui m’empêche de dire non à cette invitation qui pourtant m’ennuie profondément? » ou encore « combien de mes choix sont le fruit d’une réelle délibération rationnelle, et combien sont des automatismes déguisés en décisions? »…
Le déterminisme psychique n’a pas bonne presse, il dérange, car il nous renvoie à nos zones d’impuissance, à ce que nous n’avons pas choisi, par exemple notre histoire familiale, les premières empreintes relationnelles, les traumatismes parfois silencieux, les peurs enkystées, etc.
Pourtant, c’est bien dans la reconnaissance de ces déterminismes que commence il me semble le véritable chemin d’émancipation! C’est paradoxal! Parce que refuser de voir ces déterminismes c’est un peu comme conduire en niant la présence des murs… On finit toujours par s’abîmer dedans il me semble.
En consultation, il m’arrive de voir des personnes farouchement attachées à leur autonomie, comme si toute atteinte à cette représentation les menaçait dans leur identité. Et souvent le déterminisme apparaît au grand jour sur le divan en peu de temps! Ça donne par exemple « moi, je ne me laisse pas influencer, je sais ce que je veux!”… Puis, au fil du travail, surgit une scène d’enfance, par exemple une mère imprévisible, un père qui n’écoutait jamais, et cette phrase, prononcée presque à mi-voix « en fait, depuis toute petite, j’ai toujours dû faire ce que les autres attendaient de moi… »
Ce moment-là, d’une lucidité rare, est souvent bouleversant, car il révèle, en restant sur cet exemple, à quel point ce que l’on croit être un « choix » est parfois une stratégie de survie ancienne, une manière de se protéger, de préserver l’amour de l’autre, de rester à sa place pour éviter la punition ou l’abandon…
Ce que la psychanalyse, par exemple, mais aussi les neurosciences affectives, nous montrent aujourd’hui, c’est que le cortex préfrontal (zone du cerveau associée notamment à la planification, à l’anticipation, à la pensée rationnelle) est souvent court-circuité par le système limbique et notamment par l’amygdale. Je veux dire par là que quand une émotion est activée (peur, honte, colère, insécurité…), l’information ne monte même pas jusqu’à notre « moi pensant », elle déclenche plutôt un comportement réflexe comme par exemple fuir, se soumettre, attaquer, séduire, dissimuler…
Et ce comportement-là, je dirais que nous le travestissons ensuite en décision réfléchie, avec des justifications savamment construites.

Pour faire simple, et désolé pour les adeptes d’un existentialisme forcené, l’illusion de maîtrise vient souvent a posteriori, comme une tentative de garder la face devant soi-même…
Prenons un exemple plutôt simple, celui d’une personne qui, à chaque début de relation, donne tout, trop vite. Elle se dit généreuse, entière, spontanée. Mais en réalité, elle pourrait par exemple »obéir » à un programme automatique inscrit très tôt: « si je donne assez, je serai aimée ». C’est un conditionnement affectif très puissant souvent hérité de carences anciennes, et tant qu’il n’est pas mis à jour, par exemple sur le divan de l’analyste, cette personne recommencera inlassablement… jusqu’à l’épuisement, voire la rancœur!
Un autre exemple: imaginons un individu qui s’énerve violemment dès qu’on le contredit, il se croit dans la maîtrise de sa colère, il s’imagine défendre ses opinions avec fermeté… Mais ce qu’il défend, en réalité il me semble, c’est par exemple une blessure narcissique ancienne, une peur d’être rabaissé, une trace de dévalorisation précoce et là encore l’émotion a pris le pouvoir bien avant la pensée! 

Ces simples exemples ne visent pas à stigmatiser, je vous les propose pour illustrer un phénomène commun, à savoir que nous sommes bien plus souvent dans l’agir, le passage à l’acte ou l’acting-out que nous ne le croyons.
Ne le considérons d’ailleurs pas comme une défaite: c’est à mon sens une donnée humaine fondamentale… Et puis un peu de bienveillance envers soi et d’acceptation de soi ne peut pas faire de mal face à ce phénomène il me semble… Gardons ensuite à l’esprit que reconnaître nos zones d’automatisme n’est pas renoncer pour autant à notre liberté: c’est lui donner une chance d’exister un peu plus tout en considérant qu’elle ne peut pas être totale, c’est s’autonomiser davantage tout en assumant que nous sommes bien des êtres construits sur une multitude d’automatismes qui s’expriment au quotidien… Mais je le répète, ne nous y trompons pas, tant que ces schémas restent inconscients, ils nous gouvernent grandement… La plupart de nos choix s’en trouvent alors biaisés par des attentes intériorisées, des croyances héritées, des mémoires corporelles ou encore un héritage émotionnel contraignant (traumatisme)…
Donc oui, paradoxalement, il me semble que c’est dans la reconnaissance de nos déterminismes qu’une forme de liberté peut naître plus largement en nous, pas une liberté triomphante, arrogante ou toute-puissante, mais bien plus une liberté humble, lucide et patiente. Celle qui commence par un travail d’introspection exigeant, celle qui suppose de regarder en face ce qui, en soi, agit sans permission, celle encore qui accepte de voir que l’on ne s’apaise généralement pas en décidant d’aller mieux mais en apprenant à reconnaître les forces qui nous tirent ailleurs…
Il ne s’agit pas de se culpabiliser quand on se rend compte qu’on répète des schémas, qu’on agit parfois à contre-sens de son propre intérêt, ce n’est pas un échec, je dis à qui veut l’entendre que c’est une invitation! L’invitation à ralentir, à s’observer, à questionner ses élans, à apprendre à dire ”tiens, cette réaction-là, elle ne vient pas de maintenant… »
C’est bien dans cet espace-là que le sujet peut commencer à émerger, non plus en se croyant maître absolu de son destin, mais en devenant un peu plus conscient de ses déterminismes, et donc ainsi paradoxalement un peu plus libre!
Je vous propose ici quelques articles et vidéos sur des sujets qui pourraient vous intéresser:
- Agressions sexuelles et harcèlement en France
- Pourquoi sommes-nous influençables? – L’influence sociale
- La soumission à l’autorité – Quelques réflexions à la suite des conclusions de Milgram
- La valorisation du travail, une injustice sociale?
- Le conformisme (Psychologie Sociale)
- Familles incestuelles (Emprise, intrusions & abus narcissiques): INCESTE MORAL
- Conséquences du climat familial incestuel: Inceste moral et traumatismes subis
- Narcissisme et personnalité narcissique toxique
- PERVERS NARCISSIQUE (profil et mécanismes)
- ÊTRE NORMAL, C’EST QUOI ? PATHOLOGIQUE vs NORMALITÉ
- Philo/Psycho – S’abrutir l’esprit malgré soi: divertissement vs temps de loisir
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Cette phrase, croisée sous différentes formes sur les réseaux sociaux, m'a paru intéressante:
"Quand vous décidez d'ignorer ceux qui vous blessent, vous enlevez une grande partie de leur pouvoir."Sur le papier, cela semble libérateur.
Mais dans la réalité psychique des personnes blessées, cette "stratégie" peut parfois s’avérer bien plus limitée...

Cette phrase que j'ai croisée sur les réseaux sociaux, "tu ne peux pas coller des ailes sur une chenille et appeler ça un papillon. Le changement doit venir de l’intérieur", nous propose une jolie métaphore pour illustrer le travail thérapeutique il me semble.
En tout cas c'est sur cet axe que je vous propose cette réflexion.Tout particulièrement...

Je vous propose une rapide réflexion sur un sentiment que je croise bien souvent. Si je pars de mon expérience quotidienne, je dirais qu'il y a de nombreuses personnes pleines de qualités, par exemple sensibles et bienveillantes, qui vivent pourtant avec une impression sourde et tenace d’être nulles.
Le terme ''nul'' peut apparaître choquant, car il...

Partons de ce petit texte, largement diffusé sur les réseaux et qui met en avant une posture protectrice face à la maltraitance relationnelle:
"Si quelqu'un te traite mal, souviens-toi juste qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez cette personne, et non chez toi. Les gens normaux ne cherchent pas à détruire les autres."Quand on ce texte on peut...

Les études en psychologie ne sont pas que l'étude des comportements ou de la psychopathologie par exemple. On y étudie également, surtout pendant les années de Licence, les statistiques.
Cela permet entre autres, si l'on s'intéresse à la matière, de retenir que quand la science dit "peut-être", il n'y a jamais à entendre "c’est sûr"…
Car autrement cela...
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