ESPRIT PSY

La perversion devient-elle la règle? Le mensonge, un détail?

Ce matin mon thé vert a un goût amer. Car comme beaucoup j’avoue souffrir à écouter/lire certains discours ou constater certaines postures dans les médias ou sur les réseaux sociaux…
La liberté d’expression est sans doute l’une des valeurs les plus fondamentales d’une société démocratique mais il me semble qu’un glissement dangereux s’opère lorsqu’elle est invoquée non plus comme un droit au débat, à l’échange d’idées ou à la critique constructive, mais comme un bouclier servant à protéger le mensonge, la manipulation et la diffamation.
 
Car dire n’est pas mentir, s’exprimer n’est pas calomnier et pourtant, nous assistons à une étrange mutation du discours où certains revendiquent leur « liberté » non pas pour enrichir le débat, mais pour imposer des contre-vérités, sans contradiction possible.
Et lorsqu’une limite leur est opposée pour rappeler qu’une parole a des conséquences, qu’un mensonge délibéré nuit à autrui ou qu’une diffamation détruit des vies, ces mêmes individus se replient sur une posture victimaire. Ils deviennent « persécutés par le système », « réduits au silence par la censure », « interdits de dire ce que les autres ne veulent pas entendre ».
Il ne faut pas hésiter à dénoncer cette mécanique perverse qui repose sur le processus d’inversion victimaire.
 
Dans les dynamiques familiales et conjugales toxiques, nous retrouvons ce schéma avec une constance effrayante. L’abuseur, donc celui qui manipule, qui ment, qui salit l’autre pour mieux le dominer, est souvent le premier à se plaindre de ne pas être compris, de subir une injustice dès que la réalité est mise en lumière. « On m’empêche de m’exprimer », « on cherche à me faire taire », « je suis la vraie victime ici ».
Ce sont ces mêmes arguments que l’on voit aujourd’hui transposés à l’échelle politique et médiatique, à l’échelle d’une société entière, où celui qui diffame se présente comme opprimé dès que ses propos sont questionnés.
 
Ne soyons pas culpabilisés ni sidérés, réagissons au plus vite face à ce qui est un renversement de la logique même du discours où toute opposition devient une censure, toute tentative de rétablir des faits devient une agression. Oui réagissons avec fermeté face à cette posture perverse qui se déploie au nom de la liberté d’expression alors qu’elle ne vise absolument pas à défendre un droit fondamental, mais plutôt à chercher à imposer un rapport de force où le mensonge doit être protégé sous prétexte qu’il a été prononcé.
 
C’est un fléau pervers qui déferle. Une norme violente et destructive qui tue la liberté d’expression! Et si une telle mécanique perverse devient une norme politique, si une société légitimise l’idée que tout peut être dit, y compris le faux, y compris la calomnie, quelles en sont les conséquences pour ceux qui refusent ce jeu ?
L’histoire nous donne quelques pistes, hélas: dans les régimes totalitaires il m’apparaît que la vérité a toujours été la première cible, non pas simplement en étant censurée, mais en étant noyée dans un flot de contre-vérités et d’informations contradictoires qui rendent la distinction entre le vrai et le faux impossible!
Et oui, ce qui compte alors ce n’est pas d’avoir raison, c’est d’avoir le monopole du récit: ne pas interdire directement les faits mais les noyer sous des discours fallacieux qui désorientent, épuisent la capacité de discernement, sapent progressivement la notion même de réalité objective…
La malheureuse conséquence, lorsqu’un pays érige ce modèle pervers en norme, est la destruction de la confiance collective, la montée d’un climat où tout devient relatif, où chacun devient suspect, où la vérité elle-même est perçue comme une opinion parmi d’autres. Triste et dramatique.
 
A une échelle plus intime, dans les familles ou les couples où un membre impose sa narration mensongère, l’autre est progressivement vidé de sa propre réalité. C’est ce que l’on observe par exemple dans le gaslighting où la victime, exposée à un flot constant de mensonges, en vient à douter d’elle-même, à ne plus savoir si ce qu’elle perçoit est vrai ou non. Ce processus, appliqué à une société entière, crée selon moi une population désorientée, méfiante envers tout discours structuré, incapable de distinguer un fait objectif d’une opinion orientée.
 
L’histoire a montré que lorsqu’un régime politique ou un courant idéologique s’empare de cette dynamique ce sont toujours les individus les plus vulnérables qui en paient le prix: par exemple ceux qui n’ont pas les moyens d’imposer leur propre voix, ceux qui vivent déjà dans des réalités complexes et douloureuses, ceux pour qui la vérité est un enjeu vital, etc.
Au XXIème siècle, notre siècle, si la liberté d’expression est réduite à une protection inconditionnelle du mensonge comme cela se déroule sous nos yeux sur tant de réseaux sociaux ou dans de plus en plus de médias, elle cesse il me semble d’être un droit et devient un instrument de domination.
Sombre société que celle qui prétend défendre la parole tout en autorisant l’impunité du mensonge, cette société du  »Fake news » crée un monde où seules les voix les plus bruyantes, les plus agressives, les plus manipulatrices s’imposent.
 
Pour chaque pervers décomplexé, pour chaque ignorant jouant avec sourire les mains plongées dans la radioactivité de la désinformation et du mensonge, rappelons tant qu’il le faudra que se battre pour une véritable liberté d’expression, ce n’est pas protéger le droit de tout dire sans conséquence, c’est défendre le fait que la parole a un poids, que la vérité n’est pas négociable et que la démocratie repose sur la possibilité de débattre sans que le réel ne soit volontairement faussé par ceux qui refusent d’être remis en question!
 
La liberté d’expression m’apparaît être un pilier fondamental mais elle ne doit pas devenir un rempart pour la mauvaise foi ni un refuge pour les manipulateurs. En tolérant que ceux qui mentent ou calomnient se revendiquent victimes dès qu’on leur oppose une limite, soyons assurés que nous ne protégeons pas la parole: nous la pervertissons, nous ouvrons la voie à une violence insidieuse où la seule règle qui subsiste est celle du plus cynique.
Garder le silence face à la perversion n’est pas une option pour la liberté et la justice. Ni dans nos familles, ni dans nos institutions, ni dans notre pays, ni ailleurs. Faisons face à la perversion, partout.
 

Je vous propose ici quelques articles et vidéos sur des sujets qui pourraient vous intéresser:

  1. Agressions sexuelles et harcèlement en France
  2. Pourquoi sommes-nous influençables? – L’influence sociale
  3. La soumission à l’autorité – Quelques réflexions à la suite des conclusions de Milgram
  4. La valorisation du travail, une injustice sociale?
  5. Le conformisme (Psychologie Sociale)

Tous droits réservés – © William Milliat / Esprit Psy

Toutes les photos proviennent des banques d’images du site https://fr.freepik.com

Partagez sur :

ChatGPT Image 28 sept
Quand vous décidez d'ignorer ceux qui vous blessent, vous enlevez une grande partie de leur pouvoir ?
Cette phrase, croisée sous différentes formes sur les réseaux sociaux, m'a paru intéressante: "Quand vous décidez d'ignorer ceux qui vous blessent, vous enlevez une grande partie de leur pouvoir."Sur le papier, cela semble libérateur. Mais dans la réalité psychique des personnes blessées, cette "stratégie" peut parfois s’avérer bien plus limitée...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 27 sept
Métaphore du travail thérapeutique
Cette phrase que j'ai croisée sur les réseaux sociaux, "tu ne peux pas coller des ailes sur une chenille et appeler ça un papillon. Le changement doit venir de l’intérieur", nous propose une jolie métaphore pour illustrer le travail thérapeutique il me semble. En tout cas c'est sur cet axe que je vous propose cette réflexion.Tout particulièrement...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 27 sept
Le sentiment "d'être nul(le)"
Je vous propose une rapide réflexion sur un sentiment que je croise bien souvent. Si je pars de mon expérience quotidienne, je dirais qu'il y a de nombreuses personnes pleines de qualités, par exemple sensibles et bienveillantes, qui vivent pourtant avec une impression sourde et tenace d’être nulles. Le terme ''nul'' peut apparaître choquant, car il...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 24 sept
Insensibilité à la toxicité des relations ?
Partons de ce petit texte, largement diffusé sur les réseaux et qui met en avant une posture protectrice face à la maltraitance relationnelle: "Si quelqu'un te traite mal, souviens-toi juste qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez cette personne, et non chez toi. Les gens normaux ne cherchent pas à détruire les autres."Quand on ce texte on peut...
Continuer la lecture !
ChatGPT Image 24 sept
Corrélation versus causalité
Les études en psychologie ne sont pas que l'étude des comportements ou de la psychopathologie par exemple. On y étudie également, surtout pendant les années de Licence, les statistiques. Cela permet entre autres, si l'on s'intéresse à la matière, de retenir que quand la science dit "peut-être", il n'y a jamais à entendre "c’est sûr"… Car autrement cela...
Continuer la lecture !